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François Chast, professeur de pharmacie

Médicaments : la prise de poids peut être évitée

Par Audrey Vaugrente

ENTRETIEN – Certains médicament, indiqués dans des maladies chroniques, font grossir. Mais cet effet indésirable pousse les patients à arrêter leur traitement.

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En bonne santé les Français ? A en croire le dernier carnet de santé MNH, c’est bien le cas. 18 % des sondés seulement sont tombés malades au cours du dernier mois. Mais il faut prendre en compte la population qui souffre de maladies chroniques, à savoir 20 % du pays. Ces pathologies au long cours nécessitent un traitement suivi.
Malgré une efficacité démontrée, certains s’accompagnent d’effets secondaires pour le moins envahissants. C’est le cas de ceux qui occasionnent une prise de poids.
Le chef du service de pharmacie-pharmacologie-toxicologie de l’Hôtel-Dieu (Paris) le rappelle dans son dernier ouvrage, Les Médicaments en 100 questions (éditions Tallandier). Pourquoidocteur en a réservé cinq à son auteur, le Pr François Chast.

Quels médicaments sont concernés par ce phénomène ?

Pr François Chast : Parmi les modulateurs figure un grand nombre de psychotropes, comme des neuroleptiques – utilisés dans les troubles du comportement comme la schizophrénie –, des antiépileptiques – comme la Dépakine dont on parle beaucoup – ou encore du lithium indiqué dans les troubles bipolaires.

Il est important de souligner les risques liés aux corticoïdes, qui provoquent une rétention de sodium et donc d’eau. Une classe thérapeutique bien moins prescrite est concernée : les inhibiteurs de tyrosine kinase, dont l’imatinib qui est très intéressant dans les leucémies myéloïdes chroniques. C’est aussi le cas d’un certain nombre de bêtabloquants, pour lesquels le mécanisme est moins bien connu.

Justement, quel est le mécanisme en œuvre ?

Pr François Chast : Différentes classes peuvent avoir des effets conjugués. Les médicaments qui conduisent à une prise de poids agissent de trois manières. Ils stimulent l’appétit, qui est régulé notamment par des facteurs cérébraux. Le mécanisme cérébral de la dopamine ou la modulation neuronale des endocannabinoïdes sont modifiés et vont faire grossir. D’autres conduisent à l’accumulation de graisses ou d’eau.

Les patients arrêtent-ils plus facilement leur traitement ?

Pr François Chast : L’image de soi est quelque chose d’important dans la vie de tous les jours, en particulier celle d’un patient. Elle est travestie dès lorsqu’on a des prises de poids substantielles. Il n’est pas rare avec les psychotropes, d’avoir une prise de poids de l’ordre de 10 à 15 % du poids corporel. Cela signifie que, dès qu’une relation est établie avec le médicament, les patients ont une forme de rejet. L’impact en soi peut ne pas être spectaculaire. Mais la prise de poids a toujours un corollaire péjoratif pour la santé : le risque cardiovasculaire augmente.

Existe-t-il des alternatives à ces médicaments ?

Pr François Chast : On n’a pas affaire à un médicament donné, mais à une classe thérapeutique. Que ce soit dans le traitement des psychoses ou de la leucémie myéloïdes chroniques, la réponse thérapeutique est d’une telle qualité qu’on a du mal à imaginer en priver le patient. On prescrit donc des traitements associés qui minimisent le risque cardiovasculaire, les statines. Il existe des mesures hygiéno-diététiques plus économiques : la marche à pied, une alimentation qui donne moins de place aux graisses, aux fromages, aux viandes, et davantage aux céréales, aux fruits ou aux légumes. C’est tout à fait classique.

Ces approches sont-elles efficaces ?

Pr François Chast : Cela dépend beaucoup des patients. C’est pour cela qu’on a tendance à utiliser des statines pour réduire le risque cardiovasculaire, y compris en prévention primaire, à des doses raisonnables. On est toujours face à un équilibre difficile à juger.