« Devenir générique, ça se mérite ! » Tel est le slogan de la nouvelle campagne lancée cette semaine par le ministère de la Santé pour redorer le blason des médicaments génériqués, auprès du grand public mais aussi des médecins. Et il y en a bien besoin, rappelle Le Point.
Troquer son Efferalgan ou son Doliprane contre une boîte de paracétamol, passe encore. Mais abandonner son Inipomp de toujours contre du Pantoprazole, ou son Apranax contre du naproxène sodique, là, ça coince pour les Français. Il est vrai que les ventes de génériques sont en augmentation : 44 % des prescriptions en 2016 contre 36 % en 2011. Un bel effort qui a permis de substantielles économies sur le budget de l’Assurance maladie. Mais, selon Le Point, ces ventes plafonnent. Et surtout, la France aurait accumulé un sacré retard par rapport à ses voisins européens. La moitié des médicaments vendus seraient des génériques en Allemagne ; c’est même six sur dix aux Pays-Bas.
Les raisons de cette frilosité des Français pour les médicaments génériques sont nombreuses, rappelle le sociologue Etienne Nouguez, dans Le Point. Parmi celles-ci, bien entendu, l’attachement des patients au médicament d’origine, qu’ils prennent parfois depuis de nombreuses années. Les génériques ont des packagings différents, et surtout, des formes de comprimés pas toujours similaires. Des détails qui peuvent être un obstacle à la bonne observance du traitement. Huit Français sur dix auraient tout de même sauté le pas, et utiliseraient des génériques, d’après un sondage BVA pour la Caisse nationale d’assurance maladie. Et « essayer, c’est l’adopter », semble-t-il, puisque 93 % des sondés se disent satisfaits.
Paradoxalement, le niveau de confiance des génériques n’est pas exceptionnel et n’atteint que 6,8 sur 10. Un handicap de poids, et c’est sur ce point que le gouvernement mise avec sa nouvelle campagne.
L’efficacité des génériques face à la molécule princeps pose encore parfois question, mais c’est surtout la sécurité qui inquiète. Pourtant, l’Agence nationale de sécurité du médicament a confirmé que le taux d’anomalie est similaire entre les médicaments d’origine et leurs formes génériquées.
La confiance doit donc être développée auprès des patients, mais aussi auprès des médecins, qui semblent partager les mêmes inquiétudes. S’ajoutent à cela quelques habitudes. Pour certains praticiens, les médicaments les plus récents, qui ne sont pas génériqués donc, présenteraient une supériorité thérapeutique. Or, bon nombre de nouveaux médicaments mis sur le marché n’ont pas démontré de service médical rendu supérieur aux générations précédentes.
Au final, explique Etienne Nouguez, ce sont les médecins qui sont les plus distants de l’industrie pharmaceutique, qui ne sont pas spécialement sensibles aux nouveautés, et qui ne sont pas « confrontés à la forte concurrence d’autres médecins », qui sont les plus enclins à prescrire des génériques. Après avoir analysé les données de prescriptions de la CNAM, il conclut ainsi que « les médicaments génériques se sont principalement diffusés dans les départements ruraux et ouvriers, où la densité de médecins spécialistes pratiquant des dépassements d'honoraires et les écarts de revenus entre les patients sont les plus faibles ».
Si la diffusion des génériques dans l’Hexagone repose sur des changements tant du côté des médecins que des patients, il ne faut pas oublier que le pharmacien joue un rôle crucial. A moins qu’une mention « non substituable » ait été apposée sur l’ordonnance par le prescripteur, c’est à lui de proposer au patient les formes génériques. La croisade des génériques, entamée il y a près de vingt ans, a encore de beaux jours devant elle…