Dossier réalisé en partenariat avec Science&Santéle magazine de l' |
Le goût, ça ne se discute pas. C’est pourtant notre premier critère de choix pour nous alimenter. Pour en savoir plus sur nos préférences gustatives, l'étude NutriNet-Santé, une cohorte d'internautes volontaires qui décortique les habitudes alimentaires des Français (et des Belges), s'est penchée sur le contenu de nos assiettes.
L'analyse des données recueillies auprès de 37 181 « nutrinautes » a mis en évidence plusieurs profils spécifiques par rapport à l'attirance pour les aliments, notamment vis-à-vis du gras-salé et du gras-sucré. Premier déterminant observé : le sexe. Les hommes préfèrent les aliments gras-salés alors que les femmes sont plutôt gras-sucré. L'hygiène de vie a aussi une influence : les fumeurs et les gros consommateurs d'alcool affichent en effet une préférence pour le gras-salé. Les catégories socio-économiques ont également un impact, les faibles revenus étant associés à une préférence pour le gras en général plus marquée que les catégories aisées.
Le cas des "super-goûteurs"
Ces grandes lignes cachent pourtant des variations importantes entre les personnes. « Il existe des variabilités inter-individus liées à notre patrimoine génétique », explique Loïc Briand, directeur de recherche Inra au Centre des sciences du goût et de l'alimentation (CSGA) de Dijon. Ainsi, environ 30 % de la population est insensible au phénylthiocarbamide, un composé amer présent dans de nombreux légumes verts comme les brocolis et les choux de Bruxelles. Ces « non-goûteurs » ont plus de facilité à consommer ce type de légumes car ils ne ressentent pas autant leur amertume. À l'inverse, il existe des « super-goûteurs » qui ressentent très fortement les goûts amers. Idem pour les autres saveurs comme le sucre : « la sensibilité au goût sucré peut varier d'un facteur dix d'un individu à un autre », confirme le chercheur.
Des répercutions sur la santé
Nous ne percevons donc pas tous les saveurs de la même façon. Certains ont ainsi plus d'affinité pour le sucré, d'autres pour le salé... et le contenu de leurs assiettes le reflétera. Or ce que nous mangeons a un impact direct sur notre santé. Une alimentation déséquilibrée est notamment associée à une augmentation du risque de cancers ou de maladies cardiovasculaires, d'obésité ou encore de diabète.
Notre goût pourrait-il nous rendre malade ? En partie au moins selon certains travaux. Caroline Méjean, chargée de recherche INRA, et son équipe du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques Sorbonne Paris Cité (CRESS) ont par exemple montré que le profil alimentaire des volontaires les plus attirés par le gras de l'étude NutriNet-Santé est défavorable sur le plan nutritionnel. « Ils ingèrent plus de calories en consommant beaucoup de viande, de produits gras et sucrés, précise Caroline Méjean, et en parallèle mangent très peu de fruits, de légumes ou de poissons ». Avec toutes les conséquences que cela implique à long terme sur la santé.
Dans une étude longitudinale récente, son équipe s'est d'ailleurs intéressée à l'influence de l'attirance pour le gras sur l'incidence de l'obésité. Les données obtenues à partir de questionnaires remplis par 24 776 adultes de la cohorte NutriNet-Santé montrent que cette appétence pour le gras est associée à un risque plus élevé de devenir obèse sur cinq ans.
Simon Pierrefixe