Malgré la démission récente de deux de ses membres, le comité du prix Nobel de physiologie et de médecine aura tout de même pu livrer, ce lundi, le nom du lauréat 2016. Le prestigieux prix revient cette année à Yoshinori Ohsumi, pour ces travaux sur l’autophagie. Ce processus, qui permet aux cellules de dégrader certains de leurs composants pour assurer leur survie en situation de stress, a été mis en évidence dans les années 1960. Il faudra cependant attendre près de 30 ans, et les travaux de Yoshinori Ohsumi sur la levure de boulanger, pour comprendre les mécanismes mis en jeu dans cette « auto-digestion » cellulaire.
Ces travaux ont depuis permis de comprendre le rôle de l’autophagie dans certaines pathologies et d’identifier de possibles cibles thérapeutiques. C’est notamment le cas en oncologie. Patrick Auberger, directeur de recherche Inserm au Centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M) à Nice, revient pour Pourquoidocteur, sur l’importance des travaux de Yoshinori Ohsumi.
Quand l’autophagie se déclenche-t-elle dans les cellules ?
Patrick Auberger : L’autophagie est une technique de « survie » pour la cellule. Si elle est confrontée à des conditions de stress – si l’apport en nutriments n’est pas suffisant, par exemple – la cellule peut lancer ce processus d’auto-digestion. Le principe est de dégrader certains composants internes de la cellule, pour récupérer des éléments (acides aminés, sucres, acides nucléiques…) essentiels aux fonctions de base de la cellule, et ainsi éviter la mort. Des travaux chez des souriceaux ont montré que ce processus était fondamental dans les premières heures de la vie. Si on bloque l’autophagie dans les 24 heures après la naissance, les souriceaux meurent.
Quels sont les liens entre autophagie et thérapies contre le cancer ?
Patrick Auberger : L’autophagie est un processus à double tranchant : elle permet à la cellule de ne pas mourir mais elle peut parfois maintenir en vie des cellules néfastes, comme les cellules tumorales. On a en effet pu observer que les tumeurs installées se servaient elles-aussi de l’autophagie pour survivre et se développer. Or les chimiothérapies activent les processus autophagiques. L’objectif aujourd’hui est donc de bloquer l’autophagie chez les patients traités par une chimiothérapie pour maximiser l’effet du traitement. Après avoir obtenu des résultats expérimentaux encourageants avec l’hydroxychloroquine, une quarantaine d’essais cliniques sont actuellement en cours chez des patients.
L’autophagie serait également impliquée dans les maladies neurodégénératives...
Patrick Auberger : Effectivement, comme la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer. Mais dans ce cas, l’autophagie pourrait être une alliée de poids. En effet, ces pathologies se caractérisent par l’accumulation d’amas protéiques dans le cerveau. Stimuler l’autophagie pourrait permettre de digérer ces plaques. Si nous avons aujourd’hui toutes ces pistes thérapeutiques, c’est grâce au travail de Yoshinori Ohsumi a consacré une grande partie de sa carrière à caractériser tous les éléments cellulaires qui permettent la réalisation du processus autophagique.