Alors que la primaire de la droite et du centre pour l'élection présidentielle se déroulera les 20 et 27 novembre prochains, l’heure du premier des trois débats télévisuels approche à grands pas. D’une durée fleuve de 2h30, il aura lieu le 13 octobre sur TF1, RTL, Public Sénat et LCI. Il verra s’affronter les sept compétiteurs en lice sur les thèmes du chômage et de la sécurité. Et quid de la santé ?
Dans un récent sondage, 69 % des Français font de ce thème un élément majeur de la campagne. Et presque la même proportion des interrogés considère que les positions des candidats sur la politique de santé seront déterminantes dans leur choix.
Pour répondre aux attentes des futurs électeurs, la rédaction de Pourquoidocteur a interrogé tous les candidats en leur posant les mêmes questions.
Le deuxième à se prêter à l'exercice est Bruno Le Maire. Celui qui se présente comme le candidat de la modernité veut jouer les trouble-fête dans la duel annoncé entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Crise à l'hôpital, prise en charge des addictions, déserts médicaux, il répond à toutes nos questions.
La collectivité ne pourra plus prendre en charge le coût des médicaments innovants. Doit-on consacrer un budget spécifique à la prise en charge de ces thérapies, et comment le financer ?
Bruno Le Maire : Il est évident que si nous ne changeons pas profondément notre système, nous allons directement vers cette situation désastreuse. C’est la raison pour laquelle j’ai fait de la santé le cœur de mon contrat présidentiel : il faut trouver toutes les sources d’économies possibles et chasser inlassablement les gaspillages, engager des réformes courageuses en donnant de l’autonomie aux hôpitaux, responsabiliser les patients dans leur consommation de médicaments, dans leurs demandes de transports, dans leur recours aux services d’urgence, responsabiliser les professionnels de santé dans la lutte contre les actes redondants, accélérer le développement des prises en charge ambulatoires.
Vu les montants en jeu,il est tout à fait envisageable de dégager des marges de manœuvre financières pour accompagner l’innovation.. Il faut aller les chercher toutes les économies pour sauver l’essentiel. En outre, je développerai avec les industriels du médicament de nouvelles relations, afin de faire évoluer en profondeur le mode de financement des médicaments vers davantage de prise en compte de l’efficacité thérapeutique obtenue.
Médicament Si nous ne changeons pas profondément notre système, nous allons directement vers cette situation désastreuse. |
Les complémentaires Santé s’engagent dans un modèle d’assurance à la carte. Faut-il encourager financièrement les assurés qui ont une bonne hygiène de vie (alimentation, activité physique, etc.) et/ou pénaliser ceux qui prennent des risques (alcool, tabac, etc.) ?
Bruno Le Maire : Je fais un choix très clair : celui de refuser la privatisation de notre système d’Assurance Maladie et de ne pas donner aux mutuelles et assurances complémentaires une plus grande place dans notre système de financement. Je souhaite en effet conserver à notre système son essence solidaire. Je vais même au delà, en proposant que l’Assurance Maladie rembourse mieux les soins dentaires de base ainsi que les lunettes. En France, au 21eme siècle, tout le monde doit avoir accès à ces soins de base.
En matière de santé, aucune sélection par l’argent ne doit avoir cours. Concernant l’émergence d’un modèle d’assurance à la carte, je ne suis pas favorable à cette approche car elle porte en elle des dérives dangereuses où les plus faibles vont se trouver pénalisés. Je lui préfère une politique de prévention accrue afin de faire évoluer les comportements dès le plus jeune âge. En la matière, je fixerai trois priorités à la politique de prévention : le suicide, la lutte contre l’obésité et la malbouffe et la lutte contre les addictions.
Prise en charge Je fixerai trois priorités à la politique de prévention : le suicide, la lutte contre l'obésité et la malbouffe et la lutte contre les addictions. |
L’hôpital doit à la fois concilier l’excellence médicale avec ses missions sociales. Compte tenu des contraintes budgétaires, la tarification à l’activité (T2A) vous paraît-elle adaptée à cette double exigence ?
Bruno Le Maire : Notre système hospitalier public et privé fait la fierté de la France. Il est de notre responsabilité d’accompagner son évolution et de lui donner les moyens de s’adapter aux nouveaux enjeux de santé, au défi démographique et au défi des révolutions thérapeutiques. Pour cela, je souhaite leur offrir plus de souplesse et faire de leur responsabilisation un outil efficace de leur management. En matière de financement, il est devenu urgent de faire évoluer le système actuel afin de sortir de la logique inflationniste sur laquelle il est basé.
Je propose un système de financement davantage axé sur la qualité des soins et basé sur la notion de parcours de soins. Je souhaite également définir de nouvelles règles pour le financement des investissements car les règles actuelles sont dépassées et ne permettent plus à nos hôpitaux de préparer l’avenir. Ce sont des chantiers difficiles mais essentiels pour garantir aux établissements de santé une capacité de réaction et d’anticipation des besoins de nos concitoyens.
Hôpital Je propose un système de financement davantage axé sur la qualité des soins et basé sur la notion de parcours de soins. |
Un généraliste sur quatre ne sera pas remplacé d’ici 2025. Comment comptez-vous lutter contre les déserts médicaux ?
Bruno Le Maire : La question des déserts médicaux est complexe et, pour l’heure, toutes les politiques ont échoué. C’est pour cela que je changerai d’approche en travaillant sur les racines du problème, celui de la formation des médecins. Il faut faire évoluer le système actuel en le régionalisant davantage mais surtout en développant les stages en cabinets libéraux et en cliniques. Il faut donner aux jeunes l’envie de l’entreprise libérale, les accompagner dans leur formation, inciter et soutenir l’exercice en équipe, l’exercice regroupé.
Pour cela, de nouveaux modes de rémunération devront être construits afin d’accompagner ce travail d’équipe, sous la responsabilité du médecin. Je souhaite aussi donner plus de souplesse dans les carrières médicales en permettant aux médecins de mixer leurs modes d’exercice, de participer aux travaux de recherche, y compris en ville. Enfin, je ferai de la e-santé un investissement prioritaire afin de donner aux médecins les outils de communication leur permettant de partager des informations et de ne pas être isolés. C’est donc un plan global que je mettrai en œuvre, pensé par et pour les jeunes médecins.
Déserts médicaux Je ferai de la e-santé un investissement prioritaire afin de donner aux médecins les outils de communication leur permettant (...) de ne pas être isolés |
Dans un manifeste, des médecins français ont reconnu avoir aidé des couples lesbiens et des femmes seules à recourir à la PMA à l’étranger. Peut-on continuer à la réserver aux couples hétérosexuels ?
Bruno Le Maire : Oui.
Demain retrouvez notre entretien avec Alain Juppé