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D'ici 2030

La malbouffe pourrait tuer plus que l'alcool, le tabac et les IST

Par Audrey Vaugrente

La malnutrition cause plus de maladies que le tabac, l'alcool et le sexe sans protection réunis. Un rapport préconise de changer d'attitude en favorisant la qualité sur la quantité.

ehaurylik/epictura

Le monde doit changer d’attitude par rapport à la nutrition. La quantité reste un problème global : 800 millions de personnes sont sous-alimentées. Mais le nœud du problème réside désormais dans la qualité de ce qui est ingéré. Régimes peu variés, trop riches, carences nutritionnelles… La malbouffe pèse désormais plus lourd sur la santé de la planète. D’ici 2050, la Terre sera peuplée de 2 milliards de personnes en plus. Alors que la croissance démographique se poursuit, le Global Panel on Agriculture and Food Systems for Nutrition tire la sonnette d’alarme dans un rapport.

Une action doit être mise en place de toute urgence, avertissent les experts. Les maladies liées à une mauvaise alimentation sont déjà plus importantes que celles liées à l’alcool, au tabac et aux rapports sexuels non protégés, le tout réuni. Changer de paradigme est d’autant plus urgent que, dans les années à venir, de nouveaux défis vont se présenter aux Etats.

Diabète, hypertension, cholestérol…

La planète bleue abrite 3 milliards de personnes dont l'alimentation est de mauvaise qualité. Une malnutrition qui ne s’arrête plus à la sous-nutrition. Les Hommes ne se nourrissent plus selon leurs besoins, même lorsqu’ils en ont la possibilité. « Le système alimentaire actuel se concentre trop sur la quantité alimentaire, et pas assez sur la qualité », tranche le Panel. Concrètement, les consommateurs manquent d’information sur les choix nutritionnels sains et abordables.

Les chiffres confirment ce triste constat : 2 millions de personnes ont des apports insuffisants en micronutriments, autant sont en surpoids ou obèses. La tendance est à la hausse, particulièrement dans les pays à revenus modérés. La conséquence n’a pas tardé à se faire ressentir. Les maladies liées à la malbouffe sont les plus nombreuses. Diabète, hypertension artérielle, surpoids, cholestérol… Les effets sont larges et ne se limitent pas aux adultes. Indirectement, cette alimentation inadaptée peut aussi amplifier les symptômes de certaines pathologies comme le VIH, le paludisme ou encore la rougeole.

Deux fois plus de surpoids

Face à ce bilan bien sombre, les perspectives sont mauvaises. Au cours des 20 prochaines années, la situation risque de s’aggraver et aucun pays n’est épargné. Par rapport à 2005, la surcharge pondérale risque de doubler en Chine. Du côté de l’Europe, un quart de la population française sera touché par le surpoids, contre la moitié de la population islandaise et un tiers des Britanniques. Les effets seront même plus larges : au Nigéria ou en Ethiopie, les cas de diabète devraient se multiplier par deux.

« Les forces qui conduisent au changement, comme la croissance démographique, le changement climatique ou l’urbanisation, convergent vers le système alimentaire », explique le Panel dans son rapport. Mais ces changements vont aussi opposer un nouveau défi à chaque pays : comment assurer un approvisionnement suffisant à cette population croissante, dans des conditions plus exigeantes ? Aux yeux du Panel, c’est tout le modèle qui doit évoluer.

Femmes et enfants au cœur

L’ampleur de l’action doit être similaire à la lutte organisée contre le Sida et le paludisme. Le rapport préconise pour cela que des objectifs internationaux soient fixés. « A moins que les décideurs n’agissent de manière décisive pour contrôler le surpoids, l’obésité et les maladies liées au régime, n’accélèrent les efforts pour réduire la sous-nutrition, l’ensemble des pays paiera le prix fort en termes de mortalité, de santé physique, de bien-être mental, de pertes économiques et de dégradation de l’environnement », avertissent John Kufuor, ancien président du Ghana et Sir John Beddington, ancien conseiller du gouvernement britannique.

Le changement de paradigme qu’ils recommandent est simple, à première vue : le système alimentaire doit nourrir sa population au sens plein. Il ne s’agit plus d’assurer les apports caloriques, mais aussi d’assurer la qualité du régime – avec des aliments variés principalement. Femmes et enfants doivent être au cœur de cette politique nutritionnelle, qui doit devenir une priorité. Le Panel propose aussi de développer une mise à disposition facilitée des aliments au bon profil nutritionnel et de recentrer la politique agricole sur des aliments de qualité. Ces recommandations seront-elles suivis d’action ? Rien n'est moins sûr.