Dans la communauté des addictologues, le dernier rapport Terra Nova sur la légalisation du cannabis n’a pas vraiment surpris. Les spécialistes en ont pris acte avec la mine de ceux qui disent : « Depuis le temps qu’on le répète… »
De fait, cela fait plusieurs années que bon nombre d’ente eux planchent sur la question, avec l’obsession de montrer à l’opinion publique et à la classe politique l’inefficacité de la prohibition sur le plan sanitaire, et la nécessité de s’engager vers un modèle d’encadrement des consommations. Alors quand un think-tank produit un énième rapport sur la voie idéale de légalisation contrôlée du cannabis, l’addictologue oscille entre satisfaction et lassitude.
« Etre responsable, c’est légaliser »
« Pendant un demi-siècle, les législateurs français ont suivi avec un esprit d’obéissance et de mimétisme les orientations données par les Etats-Unis, engagés dans la folie de la guerre contre les drogues, rappelle William Lowenstein, président de SOS Addictions. Aujourd’hui, les Américains disent eux-mêmes qu’ils sont sortis de cette période schizophrénique et plus personne ne conteste avec bonne foi l’inefficacité de l’approche prohibitive ».
A nouveau, les Etats-Unis inspirent donc. Alors qu’une partie du pays légalise le cannabis à usage médical ou récréatif, d’autres s’interrogent sur leur propre modèle, au grand soulagement des addictologues qui ne cessent de rappeler les effets sanitaires délétères de la pénalisation des consommations.
« Etre responsable, c’est légaliser le cannabis. C’est une évidence, une banalité, chez les addictologues. Mais il faut trouver le moment et la manière pour convaincre la classe politique et l’opinion de cela. Les rapports comme celui de Terra Nova peuvent faire évoluer les mentalités, ce qui est une bonne chose, à l’heure où il faut lancer des pistes pour élaborer un nouveau système ».
Protéger les jeunes
Toutefois, selon l’addictologue, le rapport Terra Nova ne prend pas suffisamment en compte une donnée essentielle de ce nouveau modèle à bâtir : la protection des plus jeunes. Certes, le texte rappelle que le fait de légaliser le produit permettrait de le rendre inaccessible aux mineurs en leur interdisant la vente. Les auteurs expliquent aussi que l’encadrement des consommations aurait pour corolaire la réduction des risques et la prévention des conduites addictives, notamment parmi cette population.
« Mais l’accent n’est pas suffisamment mis sur l’usage juvénile, alors que c’est la problématique centrale du cannabis, estime William Lowenstein. Ce sont les jeunes qui peuvent développer un véritable handicap du fait d’une consommation précoce et intensive. Le modèle de légalisation du cannabis devra inclure des stratégies réfléchies, précises, budgétées pour protéger les plus vulnérables. Il devra faire mieux que notre modèle actuel, qui laisse en plan un adolescent sur quinze avec une consommation problématique ».