Alors que la primaire de la droite et du centre pour l'élection présidentielle se déroulera les 20 et 27 novembre prochains, l’heure du premier des trois débats télévisuels approche à grands pas. D’une durée fleuve de 2h30, il aura lieu le 13 octobre sur TF1, RTL, Public Sénat et LCI. Il verra s’affronter les sept compétiteurs en lice sur les thèmes du chômage et de la sécurité. Et quid de la santé ?
Dans un récent sondage, 69 % des Français font de ce thème un élément majeur de la campagne. Et presque la même proportion des interrogés considère que les positions des candidats sur la politique de santé seront déterminantes dans leur choix.
Pour répondre aux attentes des futurs électeurs, la rédaction de Pourquoidocteur a interrogé tous les candidats en leur posant les mêmes questions. Ce mardi, la série se poursuit avec Jean-Frédéric Poisson, le Président du Parti Chrétien-Démocrate. L’homme qui se revendique catholique pratiquant veut-il sacraliser le thème de la santé, parfois oublié des débats politiques. Ouverture de la PMA, prise en charge de l'innovation thérapeutique, déserts médicaux, le député des Yvelines prend position.
La collectivité ne pourra plus prendre en charge le coût des médicaments innovants. Doit-on consacrer un budget spécifique à la prise en charge de ces thérapies, et comment le financer ?
Jean-Frédéric Poisson : Sur ce sujet comme sur les autres, le système de financement doit être au service de la personne et non l'inverse. Néanmoins, avant d'envisager une solution de financement spécifique pour ces thérapies, il nous faut mesurer, avec lucidité et de façon indépendante le degré d'innovation réel de ces traitements. Chaque année, 80% des médicaments présentés comme innovants n'apportent en réalité aucun progrès sur le plan thérapeutique. Et souvent, il font simplement double emploi avec des médicaments déjà sur le marché. J'insiste sur le fait que cette évaluation doit être faite de façon indépendante et au cours d' un processus protégé des intérêts particuliers.
Par ailleurs, la situation budgétaire de la France nous oblige à réévaluer la hiérarchie de nos priorités en terme de remboursement des soins. Un certain nombre de remboursements d'acte médicaux ne devraient pas relever de manière systématique de la solidarité nationale. Je pense à certains soins gratuits, à la contraception, à la PMA ou encore à l'IVG. J'ajoute à ce sujet, qu'en dehors de ces considérations budgétaires, la baisse du nombre d'avortements en France est selon moi une question de santé publique.
Médicament
80 % des médicaments présentés comme innovants n'apportent en réalité aucun progrès sur le plan thérapeutique. |
Les complémentaires Santé s’engagent dans un modèle d’assurance à la carte. Faut-il encourager financièrement les assurés qui ont une bonne hygiène de vie (alimentation, activité physique, etc.) et/ou pénaliser ceux qui prennent des risques (alcool, tabac, etc.) ?
Jean-Frédéric Poisson : Je suis résolument opposé à cette évolution qui est un pas de plus vers un système de santé tenu par les mutuelles dans lequel elles imposeront leurs critères de prises en charge. Nous abandonnerions un système de solidarité universel pour un système de classification qui aboutirait à une forme de classement des assurés et des assurables. On voit bien les graves dérives vers lesquelles ce type de raisonnement pourrait nous entraîner.
Il y a là une tentation qui traverse toute notre époque et qui est le cœur de cible de mon combat : celle de réduire l'être humain à une variable d'ajustement économique. La dignité d'une personne et son droit à bénéficier de la solidarité nationale ne peut pas se faire fonction de critères établis par des organismes privés. D'ailleurs, je tiens à souligner qu' un système où l'on contrôlerait l'activité physique et la qualité d'alimentation des citoyens aurait des teintes tristement orwelliennes. C'est encore une tentation bien actuelle à laquelle il nous faut être particulièrement vigilants. Pour autant, il est essentiel de développer une culture préventive, spécialement concernant la santé au travail et le suicide.
Prise en charge
La dignité d'une personne et son droit à bénéficier de la solidarité nationale ne peut pas se faire en fonction de critères établis par des organismes privés. |
L’hôpital doit à la fois concilier l’excellence médicale avec ses missions sociales. Compte tenu des contraintes budgétaires, la tarification à l’activité (T2A) vous paraît-elle adaptée à cette double exigence ?
Jean-Frédéric Poisson : Avec la tarification à l'activité, nous voyons la logique de moyen céder la place à la logique de résultat. Évidemment, ce n'est pas, en soi, un objectif condamnable mais comme vous le dites, l'honneur de notre système est d'allier le volet social à la performance médicale. Or là où l'efficacité et la rentabilité prend trop de place, celle accordée à l'humain est réduite d'autant. Ce n'est pas ce que je veux pour notre pays.
Par ailleurs, la T2A présente quelques désavantages pour les acteurs du domaine de la santé : sa complexité, l'instabilité des règles et le manque de visibilité compliquent toute projection pour les établissements.
Déserts médicaux
Il conviendrait de traduire dans des allègements sociaux ou fiscaux les spécificités d'exercice de la médecine selon le lieu d'activité. |
Un généraliste sur quatre ne sera pas remplacé d’ici 2025. Comment comptez-vous lutter contre les déserts médicaux ?
Jean-Frédéric Poisson : Le problème de la désertification médicale trouve son origine dans une multiplicité de facteurs : le refus de trop de contraintes de garde, la perte du sens de la vocation, le refus de l'isolement... Les médecins généralistes ploient sous une masse considérable d'exigences administratives dont il faut les libérer pour leur permettre de se concentrer sur leur vocation réelle.
Il conviendrait de traduire dans des allègements sociaux ou fiscaux les spécificités d'exercice de la médecine selon le lieu d'activité, et ceci sur le long terme, et non pas sur les quelques premiers mois d'installation. Par ailleurs, je compte développer, y compris par voie d'expérimentations, les maisons médicales en zone rurale ainsi que la télémédecine.
Procréation médicalement assistée
Je suis contre le recours à des mères porteuses, qui est une forme d'esclavage moderne. |
Dans un manifeste, des médecins français ont reconnu avoir aidé des couples lesbiens et des femmes seules à recourir à la PMA à l’étranger. Peut-on continuer à la réserver aux couples hétérosexuels ?
Jean-Frédéric Poisson : D'abord, rappelons que si les PMA pour les couples lesbiens sont toujours illégales en France, la Cour de cassation a autorisé en 2014 qu'un enfant né par une procréation médicalement assistée effectuée à l'étranger soit adopté en France par la compagne de sa mère. La législation française sur ces sujets n'est qu'une façade.
Par ailleurs, je suis fermement opposé à l'ouverture de la PMA aux couples homosexuels. Une chose est d'y recourir pour résoudre un problème médical d'infertilité, une autre est de revendiquer un droit à l'enfant au nom de l'égalité. Encore une fois, si l'on prend l'égalité comme critère d'accessibilité à la PMA pour les couples lesbiens, alors, au nom de ce même critère il faudra mécaniquement légaliser la Gestation Pour Autrui (GPA) sous prétexte que les couples d'hommes seraient en situation d'inégalité. Or, je suis contre le recours à des mères porteuses, qui est une forme d'esclavage moderne.
Demain retrouvez notre entretien avec Nicolas Sarkozy