Les citadins expriment souvent leur nostalgie de la campagne. Mais l’herbe n’y est pas forcément plus verte. Dans le monde agricole aussi, les risques psychosociaux existent. Les exploitants sont même soumis à de rudes pressions et les tentatives de suicide explosent. Cette détresse, la Mutualité Sociale Agricole (MSA) tente de la combattre. Le succès est modéré : chaque année, 150 agriculteurs mettent fin à leurs jours. La MSA a donc annoncé, ce 11 octobre, la mise en place de nouveaux moyens de prévention. Car la crise est réelle et profonde.
L’élevage bovin submergé
Depuis 2011, l'assurance maladie des agriculteurs a pris conscience du malaise dans les campagnes. Avec la dégradation des conditions de travail, la détresse psychologique a pris de l’ampleur. Il faut dire qu’entre les alertes sanitaires et les crises climatiques, en passant par la baisse des prix de revient, les exploitants sont soumis à de multiples pressions. Sans compter que leur revenu a baissé de manière substantielle. Aujourd’hui, un tiers d’entre eux gagnent 350 euros par mois. « Cette dégradation se traduit par le découragement, le repli sur soi, le sentiment de dévalorisation ou la culpabilité », souligne la MSA.
Autant de facteurs qui favorisent dépressions et tentatives de suicide. Certains y sont plus exposés : les hommes ont tendance à davantage mettre fin à leurs jours, surtout s’ils sont âgés de 45 à 64 ans. Deux secteurs sont particulièrement touchés : l’élevage des bovins pour leur viande et pour leur lait. La mortalité y est deux fois supérieure à la moyenne.
Depuis 2011, les agriculteurs en détresse peuvent contacter une plateforme d’écoute, Agri’Ecoute (09 69 39 29 19, disponible 24 heures sur 24 et toute la semaine). Les prises de contact se sont multipliées, preuve de la crise profonde qui traverse la profession. En 2015, les écoutants ont reçu 300 appels par trimestre. Sur le premier semestre 2016, ce sont 300 appels qui ont été enregistrés chaque mois. De quoi inquiéter les plus sereins.
Mieux former les écoutants
Consciente de l’ampleur du problème, la MSA a doublé son dispositif d’une cellule de prévention. Composée de professionnels de santé, entre autres, elle a pour objectif de repérer les exploitants à risque de suicide. Là encore, les données témoignent d’un raz de marée : 1 106 situations problématiques ont été relevées en 2015, contre 966 l’année précédente. Bon nombre constituaient un risque réel de suicide.
Mais le mal-être des agriculteurs est encore mal identifié. Les statistiques les plus récentes, récemment communiquées par Santé Publique France, datent de 2011. Entre temps, la situation a clairement évolué. Elle s’est considérablement dégradée. L’agence sanitaire nationale a d’ailleurs lancé, en lien avec la MSA, une nouvelle étude sur le suicide chez les salariés agricoles. La mutuelle a doublé ces travaux d’un renforcement des dispositifs en place : la plateforme d’écoute se composera d’écoutants formés aux spécificités de la vie agricole, et les cellules pluridisciplinaires seront plus nombreuses.