« Mais oui, c’est la même molécule, c’est juste la marque qui change ». L’argument est récurrent aux comptoirs des pharmacies pour convaincre les Français de préférer le générique au médicament de marque, appelé médicament princeps. Depuis cet été, l’Assurance Maladie va même plus loin, c’est désormais « tiers payant contre générique ». Autrement dit, si vous refusez que votre pharmacien substitue un générique au médicament de marque indiqué sur votre ordonnance, vous devrez faire l'avance des frais et compléter vous-même la feuille de soins papier à l’ancienne avec à la clé un remboursement plus lent.
La sanction guette aussi les pharmaciens . Début septembre, une officine récalcitrante des Deux-Sèvres a été interdite de tiers-payant pendant un mois pour n’avoir vendu que 50% de génériques alors que l’objectif national est à 85%. Il faut dire que pour l’Assurance Maladie, l’enjeu est d’importance. La délivrance de génériques lui a permis en 2011 d’économiser 1,3 milliard d’euros et elle vise 2 milliards pour 2012.
Le Collectif interassociatif sur la Santé, qui réunit les principales associations de patients, a bien conscience de l’enjeu économique des génériques. C’est pour cela que son président Christian Saout a adressé hier une lettre ouverte à la ministre de la Santé Marisol Touraine pour l’alerter sur les doutes grandissants des Français. Evoquant « le soupçon sur la qualité des médicaments génériques » et « les interrogations sur leur bioéquivalence », Christian Saout réclame à la ministre que la lumière soit enfin faite sur les génériques. En commençant par rendre public le rapport que l’Inspection générale des affaires sociales doit lui remettre sous peu sur ces médicaments. Il demande également une table-ronde d’experts pour préciser les règles et garantir la bioéquivalence des génériques par rapport à leur princeps.
En effet, on ne demande pas à un générique d’être le copie conforme du médicament de marque. Selon la loi, il doit contenir la même molécule active, au même dosage et sous la même forme pharmaceutique. Et pour qu’il soit considéré comme bioéquivalent au médicament de marque, il faut que la vitesse et la quantité du principe actif absorbé par l’organisme ne diffère pas de plus de 20% entre le générique et le princeps.
Deux inspecteurs pour effectuer les contrôles
L'Académie de Médecine a semé le trouble en février dernier en affirmant que cette bioéquivalence n'était pas forcément une garantie de même efficacité thérapeutique. Et les études qui évaluent cette bioéquivalence posent question. L’Agence nationale de sécurité du médicament, l’ANSM, les évaluent « avec la même rigueur que les essais cliniques portant sur les médicaments princeps et quelque soit le pays de leur réalisation », assure Ridha Belaiba, responsable de l’évaluation pharmacocinétique pour l’ANSM. L’agence française ne dispose toutefois que de deux inspecteurs pour auditer les centres dans lesquels se déroulent ces essais de bioéquivalence. Elle doit donc travailler en collaboration avec ses homologues américaine et européenne qui effectuent elles aussi des inspections.
De plus, une équipe française a analysé les 134 études de ce type publiées entre 2005 et 2008 dans les revues médicales internationales. 2 sur 5 ne mentionnaient pas si le générique était comparé au médicament de marque ou à un autre générique, ni si l’étude était financée par le fabricant lui-même.
Ecoutez Agnès Dechartres, co-auteur de cette étude et épidémiologiste clinique à l’Hôtel Dieu à Paris : « comparer les génériques entre eux empêche d'évaluer leur efficacité »
« Nos résultats ne disent pas que les essais de bioéquivalence sont mal faits, ils soulignent seulement qu'il manque des informations importantes. Or la transparence est le pré-requis indispensable pour pouvoir juger de la qualité de ces essais et espérer lever les doutes des patients qui consomment ces génériques », souligne Agnès Dechartres.
« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup », avait fait dire Martine Aubry à sa grand-mère pendant les primaires socialistes. Le Collectif interassociatif sur la Santé attend désormais de Marisol Touraine qu’elle dissipe donc rapidement le flou.
Première publication: 11 septembre 2012