Bon, d’accord, ce n’est un scoop pour personne ; mais il fallait bien que la science en ait le cœur net. En France, les adolescents fumeurs achètent leurs cigarettes chez les buralistes, qui acceptent de leur distribuer des paquets au mépris de la législation interdisant la vente aux mineurs.
Une étude publiée dans la revue Revue des Maladies Respiratoires confirme ainsi ce que tout le monde sait. Menés par le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Pitié Salpêtrière, les travaux s’inscrivent dans le contexte des enquêtes annuelles de « Paris Sans Tabac ». Depuis 1991, l’association interroge les collégiens et les lycéens parisiens sur leur consommation de tabac et fait évoluer ses questions au gré des années.
Emplettes chez le buraliste
Pour mieux comprendre comment les mineurs de la capitale parviennent à dénicher des cigarettes malgré la loi censée leur en barrer l’accès, les auteurs ont interrogé 7025 collégiens (12–15 ans), 3299 lycéens mineurs (16–17 ans) et 3243 lycéens majeurs. Parmi cette population, la prévalence du tabagisme quotidien s’élevait respectivement à 3,2 %, 19 % et 22 %.
Or, ces jeunes fumeurs ont massivement déclaré avoir réalisé leurs emplettes de cigarettes directement chez le buraliste – sans avoir à soudoyer un fumeur majeur pour faire l’achat à leur place. Ainsi, parmi les fumeurs quotidiens, « 90,7 % répondaient avoir acheté leur tabac chez le buraliste. Cet achat concernait 74,6 % des 12–15 ans, 92 % des 16–17 ans et 94 % des 18–19 ans », précisent les travaux.
Par ailleurs, plus l’achat a eu lieu jeune, plus le niveau de dépendance semble élevé, selon l’étude. « Avoir acheté du tabac avant 12 ans chez un buraliste était associé à un score de dépendance à 16–17 ans élevé comparé à ceux qui n’avaient acheté chez un buraliste qu’après 15 ans ».
Les buralistes portent plainte
L’an dernier, le principal auteur de ces travaux a produit un communiqué pour évoquer ces résultats, non-publiés à l’époque. Ce qui lui a valu un procès des débitants français, représentés par la Confédération des buralistes, qui affirmait alors que les jeunes de l’enquête se fournissaient surtout sur Internet et mentaient aux scientifiques pour brouiller les pistes.
Voilà pour les jeunes ; contre Bertrand Dautzenberg, la Confédération a engagé des poursuites judiciaires. « Ils me réclament 55 000 euros – un euro par buraliste, explique le pneumologue. Ils m’accusent d’être à la botte de l’industrie pharmaceutique et de la e-cigarette, pour lesquelles j’aurais organisé un campagne de dénigrement ». La délibération aura lieu le 30 novembre.