En France, la maladie d’Alzheimer apparaît comme l’un des principaux enjeux nationaux de santé publique. Avec 850 000 personnes malades et une projection annonçant 1,3 million d’individus touchés en 2020, un désastre financier est redouté par les pouvoirs publics. Face à ce risque, les instances sanitaires ont décidé de veiller au grain.
Quatre médicaments (l'Ebixa, l'Aricept, l'Exelon et le Reminyl) contre cette forme de démence viennent ainsi d'être jugés inefficaces et coûteux. Relayée par Libération, cette information est issue d'un avis rendu par la Commission de la transparence qui est en charge de l'évaluation des médicaments au sein de la Haute Autorité de santé (HAS). Elle a conclu que le service médical rendu (SMR) par ces molécules était "insuffisant". Si la ministre de la Santé, Marisol Touraine valide cette décision, cela pourrait tout simplement provoquer le déremboursement total (1) de ces molécules.
Inefficaces et coûteux
Directeur du service de gériatrie de l'Hôpital européen Georges-Pompidou, le Pr Olivier Saint-Jean, membre de cette commission, a suivi ce dossier depuis le début. Interrogé par le quotidien, il confie que « toutes les études menées sur ces traitements ont été auscultées ». La conclusion de la commission est qu'elles sont peu fiables et que « l'impact de ces médicaments au long cours » n'a pas été mesuré. Il n'a en effet jamais été démontré que ces médicaments apportaient le moindre bénéfice pour les patients, en vie réelle. Au mieux, il serait « extrêmement marginale », et « à court terme », précise cet expert.
Il rappelle par ailleurs que ces thérapies ont impact non négligeable sur les malades. Avec une liste d'effets indésirables qui n'en finit plus : troubles digestifs fréquents, symptômes cardio-vasculaires potentiellement graves, cauchemars, crise d'angoisse, crampes, rhinites...
Si la ministre de la Santé va jusqu'au bout de l'avis de la HAS, la France sera le premier pays du monde à ne plus rembourser ces traitements que reçoivent encore entre 30 000 et 40 000 patients. « Soit une dépense pour la collectivité d'encore 100 à 130 millions d'euros par an. Dans les années 2000, ce chiffre était monté à près de 400 millions par an », raconte même le membre de la Commission. Bref, l'ardoise se compte aujourd'hui en milliards d'euros puisque ces produits sont commercialisés depuis vingt-cinq ans.
Une décision redoutée des patients
Mais les patients ne sont pas du même avis que la HAS. Selon l'association France Alzheimer, tout s’oppose aujourd’hui à une telle décision jugée « risquée et injustifiée » par de nombreux acteurs de la prise en charge. L’association de familles s’inscrit dans la droite lignée des propos tenus récemment par le Pr Mathieu Ceccaldi, président de la Fédération Nationale des Centres mémoire de ressources et de recherches (CMRR).
Le neurologue indiquait dans les colonnes du Quotidien du Médecin qu’il serait « prématuré de tout arrêter. En arrêtant ces traitements, on court le risque d’accentuer une démédicalisation, qui aura aussi un effet négatif sur la prise en charge globale ». L'association a écrit à ce titre que les médicaments anti-Alzheimer constituent actuellement « une réponse thérapeutique pertinente pour de nombreuses personnes malades ». « Sans aucun traitement médicamenteux spécifique, l’intérêt du diagnostic, aux yeux des familles et de certains professionnels de santé, pourrait apparaitre secondaire. Le parcours diagnostic serait alors moins balisé pour le public alors que qu’il est la clé de voute d’une prise en soin adaptée et efficace », poursuivait-elle au mois de juin dernier.
De plus, l'association estimait que même si leur impact sur les troubles cognitifs semble limité, « les médicaments peuvent améliorer les troubles du comportement de certaines personnes malades ». Enfin, à ceux qui trouvent des vertus économiques à cette éventuelle décision, France Alzheimer rappelait que le déremboursement total aurait une incidence économique limitée sur les finances de la Sécurité sociale « puisque les quatre molécules sont toutes génériquées depuis 2016 ». Des arguments qui n'auront donc pas été entendus par la HAS.
(1) Sauf pour les personnes malades diagnostiquées qui bénéficient d’un remboursement à 100 % au titre de l’ALD 15. Elles représentent moins de 50 % des personnes malades