Haltes aux idées reçues. La dénutrition n’est pas seulement un fléau dans les pays pauvres. En France, elle touche plus de 2 millions d’enfants, d’adolescents, d’adultes atteints de maladies chroniques et de seniors. Depuis 30 ans, ce nombre ne recule pas. Le Collectif de lutte contre la dénutrition tire donc la sonnette d'alarme. Il a été fondé ce 18 octobre par des professionnels de santé, des associations de patients, mais aussi des personnalités politiques.
Un fléau ignoré
Dans l'Hexagone, ce sont surtout les personnes hospitalisées ou placées en maison de retraite qui sont dénutries. Or l’alimentation est un facteur clé de la guérison. Sous-alimentés et épuisés, les patients ne peuvent pas être correctement soignés. Le temps d'hospitalisation est d'ailleurs rallongé de 45 % en moyenne. En effet, cette maladie favorise les infections, les complications des pathologies, les chutes... A terme, elle peut même être mortelle. Les personnes âgées remportent un triste record : à l'hôpital, la moitié d'entre elles souffre de dénutrition. Le vieillissement, qui réduit l'appétit, et les maladies chroniques, peuvent expliquer ce phénomène. Mais le problème est encore sous-évalué et sous-diagnostiqué.
Les enfants eux aussi sont à haut risque, particulièrement avant 3 ans. « On sait que ces événements sont à même de conditionner notre état de santé par des actions sur l'expression de certains gènes », explique Régis Hankard, pédiatre au CHU de Tours (Indre-et-Loire), contacté par Pourquoidocteur.
Ce fléau qui a pourtant des solutions. « Il y a un moyen très simple : c'est de peser les patients âgés très régulièrement », souligne Agathe Raynaud-Simon, Chef du service de gériatrie de l’hôpital Bichat/Beaujon (Paris). Un conseil qui s'applique aux autres populations tout aussi bien. Sauf que sur le terrain, de telles actions manquent cruellement.
10 améliorations
Pour mettre fin à la dénutrition en France, le Collectif a rédigé un manifeste avec 10 propositions. Ils demandent tout d’abord que la dénutrition devienne « la grande cause nationale du prochain quinquennat » et qu’un plan national de lutte soit lancé en 2018 pour enrayer la progression de cette maladie silencieuse. Ces demandes sont aussi soumises aux citoyens, sur la plateforme Change.org. Ils fixent également comme objectif qu’aucune personne âgée ne meurent de dénutrition. Ils mettent également la priorité sur les enfants malades, dont 15 à 30 % sont dénutris à l’hôpital, en exigeant la création d’un Comité national de vigilance.
L’hôpital et les établissements de soins sont un secteur crucial pour vaincre la dénutrition, selon les sigantaires. Ils proposent que la totalité des patients dénutris soit pesée à l’entrée à l’hôpital jusqu’à leur retour à leur domicile, moyen simple et peu coûteux pour dépister la dénutrition et suivre l’évolution de la maladie. Ils estiment également que la nutrition doit avoir une place centrale dans la prise en charge des malades. Ils réclament ainsi « la présence d’un médecin nutritionniste et de 10 diététiciens pour 600 lits d’hôpital » ainsi qu’un « référent dénutrition dans tous les établissements. Le but : 100 % des malades doivent être correctement nourris en prenant « soin de chacun en valorisant le goût et le plaisir ».
Regardez l'émission l'Invité santé
avec le Pr Eric Fontaine
diffusée le 20 octobre 2016