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Cathéters, sondes, prothèses

Stérilisation: les dispositifs médicaux dans le collimateur

Par La rédaction

Si  les biberons et les tétines ne sont plus stérilisés à l'oxyde d'éthylène, l'Igas pointe du doigt l'usage éventuel de cet agent cancérigène pour stériliser les dispositifs médicaux.

FRED SCHEIBER/20 MINUTES/SIPA

En 2010, la majorité des biberons à usage unique achetés par les maternités françaises étaient stérilisés avec un agent cancérigène, l'oxyde d'éthylène. Une pratique qui enfreignait bien la réglementation, a reconnu en décembre dernier l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui a rendu public un rapport sur ce sujet datant de juilllet 2012.
Comble de l’ironie, ce rapport de l'Igas a été publié trois semaines après la condamnation en appel pour diffamation de Suzanne de Bégon, la lanceuse d'alerte de cette affaire. Pour mémoire, ce rapport fait suite à un article du Nouvel Observateur en novembre 2011, qui avait dénoncé l’utilisation dans les maternités, de biberons, tétines et téterelles stérilisés à l'oxyde d'éthylène. Xavier Bertrand, ministre de la Santé, avait alors chargé l'Igas de dresser un bilan de la situation dans les établissements de santé et d'analyser la réglementation en vigueur et son respect. C’est maintenant chose faite. L’enquête conduite par l’Igas constate qu’en 2010 les maternités françaises ont achété 27 millions d’objets concourant à l’alimentation des nourrissons (biberons, tétines, téterelles, seringues et sondes) stérilisés à l’oxyde d’éthylène.

Quelle est l’origine de cette situation aberrante ? Pour l’Igas, « les préoccupations en termes de sécurité infectieuse ont conduit les établissements de santé à généraliser progressivement l’emploi des dispositifs médicaux à usage unique, dont la stérilisation est ainsi effectuée à la source, en milieu industriel ». La stérilisation de ces dispositifs à l’oxyde d’éthylène, abandonnée à l’hôpital en raison de sa toxicité, s’est ainsi développée dans l’industrie des dispositifs médicaux en raison de son efficacité, de son faible coût et de son adaptation aux matières plastiques que la vapeur d’eau fait fondre.
« Les biberons ont suivi le mouvement général, notamment après la publication par l’ex-agence française de sécurité sanitaire des aliments de recommandations spécifiques : les biberons en verre ont ainsi été remplacés par des biberons jetables en plastique, le plus souvent assimilés, pour ce qui concerne la stérilité, à des dispositifs médicaux ». Enfin, la présence d’une norme validant des taux résiduels d’oxyde d’éthylène « admissibles » après stérilisation a installé la confiance tant au sein du système hospitalier que du secteur industriel. Mais comme le rappelle les auteurs du rapport Igas, « cette norme a été élaborée pour des adultes de 70 kg et ne distingue pas les dispositifs en contact avec des denrées alimentaires… »

Le ministère de la santé n’a pas attendu le rapport de l’IGAS pour réagir. En avril 2012, la Direction générale de la santé (Dgs) a rendu un avis. Elle recommande aux établissements de santé de ne pas utiliser de biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène pour des nourrissons nés à terme. Toutefois, ce mode de stérilisation reste utilisable pour les nouveau-nés pris en charge dans les services de néonatologie ainsi que pour les nourrissons « souffrant de pathologies graves avec un risque accru d’infection ». La Dgs estime en effet dans ses conclusions qu’il n’existe pas de processus de stérilisation alternatif suffisamment efficace. 

L'affaire est-elle close ? Non. « Nous n'en sommes qu’au milieu du gué, la question des tétines et des biberons n'est pourtant que la partie émergée de l'iceberg », explique Olivier Toma, président du comité du développement durable en santé (C2DS). Il faut s’interroger sur l'utilisation de l'oxyde d'éthylène dans la stérilisation des dispositifs médicaux (cathéters, sondes, dispositifs d'alimentation entérale...), des implants et des prothèses (prothèses mammaires, implants orthopédiques, implants intraoculaires…). Si l'oxyde d'éthylène est reconnu toxique pour les tétines, comment ne peut-il pas l'être pour des dispositifs d'alimentation entérale, par exemple ? »

Ecouter Olivier Toma, président de C2D : « Le problème de fond, c'est la multi-exposition à des produits toxiques ».

 Une interrogation reprise par l’Igas qui demande aux autorités sanitaires d’étudier également au-delà des biberons, tétines et téterelles, les autres articles concourant à l’alimentation des nourrissons, comme des adultes, en milieu hosptialier. Et puis au-delà de cette question de la stérilisation à l'oxyde d'éthylène, Olivier Toma, ancien directeur de clinique, rappelle qu'il faut s'intéresser à l'ensemble des produits dangereux pour la santé qui peuvent parfois se trouver au contact des malades et des professionnels de santé.