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1 mois d'interdiction d'exercer avec sursis

Patiente voilée : un médecin condamné pour discrimination

Par la rédaction

L'Ordre des médecin de Rhône-Alpes a sanctionné une médecin d’un mois d’interdiction d’exercer, avec sursis. Elle avait refusé de soigner une patiente voilée après une dispute.  

scanrail/epictura

La chambre disciplinaire du Conseil régional de l’Ordre des médecins de Rhône-Alpes s’est réunie il y a quatre semaines à Lyon (Rhône) afin d'examiner la plainte d'une patiente contre une médecin remplaçante. Et l'affaire est sensible. On reprochait à cette dernière un « refus de soins pour motif discriminatoire ». La juridiction devait donc indiquer si la praticienne avait manqué ou pas à ses obligations déontologiques. Dans la sentence dévoilée ce jeudi, l'institution a décidé de sanctionner la praticienne d’un mois d’interdiction d’exercer, avec sursis.

« Il s’agit d’une condamnation sévère. Nous sommes satisfaits de cette décision. C’est une manière de reconnaître le statut de victime de ma cliente, ce que la justice lui avait refusé », a déclaré à 20 Minutes, maître Hosni Maati, avocat de la patiente. Dans sa décision du 1er octobre, la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins estime en effet que « le Dr L. a exprimé son opinion sur le port du voile par les femmes musulmanes (...) en des termes (...) qui ont une teneur manifestement empreinte d'islamophobie ». Selon l'Agence France Presse (AFP), elle poursuit en indiquant que « ces excès de langage qui n'ont donné lieu à aucune manifestation de repentir, alors que le code de déontologie médicale impose aux médecins de s'abstenir d'émettre des propos scandaleux, constituent une faute au regard du code de la santé publique ».

La justice classe sans suite 

Les faits remontent à juin 2015. Remplaçante dans un cabinet de la commune du Pont-de-Beauvoisin, la généraliste se dispute violemment avec une patiente voilée. Après avoir déchiré une ordonnance et demandé à la patiente de partir, la praticienne ajoute ne pas vouloir « de femmes voilées dans son cabinet ». Une altercation filmée, avec l’autorisation du médecin, et diffusée sur internet quelques jours plus tard. Début du scandale. 
De son côté, la généraliste se défend et nie avoir refusé de soigner la patiente en rappelant qu'elle l'a examinée et a rédigé une ordonnance.

En novembre dernier, le tribunal de Chambéry a pourtant classé la plainte sans suite. La patiente s’est alors tournée vers le Conseil de l’Ordre des médecins. Mais devant ses pairs, la médecin a réitéré ses propos. Cité récemment par Le Dauphiné Libéré, le Dr Pascal Jallon, président du Conseil de l’Ordre des médecins de l’Isère, estimait qu’il ne s’agissait que d’une consultation qui dégénère. « Nous sommes dans le cas d’une consultation qui se passe mal, comme cela peut arriver à des tas de médecins, et comme cela m’est arrivé à moi-même parce que je refusais de prescrire un arrêt de travail à un patient. C’est un métier difficile, stressant, et j’estime que c’est une affaire que l’on veut monter en épingle », avait-il indiqué, soulignant qu’il n’y avait pas eu de refus de soins puisque la dispute avait eu lieu à la fin de la consultation.


Le soin une obligation déontologique

En France, dans certaines conditions, la loi permet aux médecins de ne pas apporter des soins à un patient s’il ne le souhaite pas. « L’article 47 du code de la santé publique permet aux médecins de se dégager de ses obligations de soins pour des raisons personnelles ou professionnelles. Mais bien évidemment, il ne faudrait pas qu’en arrière tableau il y ait la possibilité d’une discrimination », expliquait dans une récente interview à Pourquoidocteur le Dr Jean-Marie Faroudja. Le président de la section éthique et déontologie au Conseil national de l’Ordre des médecins rappelait les règles mais se gardait bien de tout commentaire sur cette affaire.

Le médecin soulignait toutefois qu'un praticien est tenu de soigner tous les patients qui se présentent à lui « quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard », selon l’article R4127-7 du Code de la santé publique.

« Pasteur disait : Je ne veux pas savoir qui tu es, dis-moi seulement ce dont tu souffres », citait le Dr Faroudja. Et de conclure : « Nous essayons de concilier soins et religion mais les médecins n’ont ni à s’occuper de la nationalité d’un patient, ni de ses croyances ».