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Cinéma

"Réparer les vivants" : plongée dans les coulisses du don d'organe

Par Anne-Laure Lebrun

Pour la première fois, un film de cinéma nous plonge dans l'univers du prélèvement et de la greffe d'organe. Une chaîne qui ne pourrait pas se former sans l'infirmier coordonnateur.

Capture d'écran vidéo Youtube

Simon Limbres a 17 ans. C’est un adolescent comme les autres. Il a une petite copine, Juliette, et des copains, Chris et Johan. Ce matin là, ils se lèvent aux aurores pour profiter des vagues offertes par la mer déchaînée. Une dernière session de surf avant que Simon ne meurt dans un accident de voiture. Un banal accident comme il en arrive des dizaines tous les jours sur les route de France. Une tragédie qui, paradoxalement, offre aussi l’espoir de la vie. L’espoir d’offrir un cœur à Claire, une mère de famille en phase terminale.

Cette histoire, c’est celle de "Réparer les vivants", le best-seller de Maylis de Kerangal porté à l’écran par Katell Quillévéré. C’est l’histoire de vies brisées, et d’autres qui se reconstruisent grâce à la transplantation cardiaque. Un film d’une justesse médicale rarement atteinte, de l’avis des professionnels de santé invités à l’avant-première mercredi dernier. Et pour la première fois, un film qui permet vraiment de rencontrer toutes les personnes qui interviennent dans cette chaîne.

Car le prélèvement et la greffe sont un travail d’équipe. Une course de relai qui se joue en 24 heures. Des équipes qui peuvent être n’importe où en France et qui sont amenées à travailler ensemble. Tous ces professionnels sont dirigés par l’infirmier coordonnateur. Dans "Réparer les vivants", c’est l’acteur Tahar Rahim qui joue ce rôle central. Un rôle de l’ombre, joué dans la vraie vie par Régis Quéré, infirmier coordonnateur à l’hôpital Necker (Paris). L’acteur et l’infirmier ont travaillé ensemble « pour que le rôle soit juste mais qu’il laisse place à la fiction », explique Régis Quéré.


Clé de voûte de la greffe

Trait d’union entre la famille et le monde médical, Régis Quéré est appelé dès qu’un patient est déclaré en état de mort encéphalique. C’est à lui qu’incombe la lourde tâche d’aborder le don d’organe avec la famille. « Notre mission est de pouvoir permettre des greffes. Mais en même temps nous sommes en première ligne pour accompagner les proches que le don se fasse ou non », dit-il.

Lorsqu’il s’agit d’un adulte, Régis interroge les proches pour connaître les volontés du défunt. « Bien souvent, nous sommes confrontés à des familles qui n’en savent rien. Il n’y a pas eu de dialogue, personne n’aborde le sujet. Alors on essaye de savoir qui il était. Mais finalement on se retrouve dans une situation d’incertitude, on ne sait jamais si on respecte sa volonté », confie l’infirmier. Mais quand il s’agit d’un mineur, comme Simon, le choix revient aux parents. Ils sont alors confrontés à une question auquel ils n’avaient jamais songé, et à laquelle ils n’auraient aimé jamais répondre.

 

Ecoutez...
Régis Quéré, infirmier coordonateur à l'hôpital Necker : « En tant que coordonnateur, il y a quelque chose de l'ordre de la rencontre avec quelqu'un sans pouvoir échanger... »

 

Prendre soin d'un patient comme un autre

Dans le cas de Simon, ses parents acceptent le prélèvement de son cœur. Là encore, l’infirmier coordonnateur est présent à toutes les étapes. C’est lui qui organise le prélèvement de l’organe et son transport vers l’hôpital où la transplantation aura lieu. Il est alors le trait d’union entre toutes les équipes médicales.

Présent au bloc opératoire, il est là pour faire respecter les volontés de la famille et du défunt. Et même une fois les organes greffés, il reste en lien avec les familles. « Nous prenons en charge un patient qu’on ne connaîtra jamais. Et malgré cela, du début à la fin, on prendra soin de lui », glisse l’infirmier qui espère que « le public percevra que le don d’organes correspond à des histoires humaines qui s’enchevêtrent et que ce geste fait porter l’espoir d’une autre vie pour les personnes transplantées ».

 

Don d’organes : tous donneurs présumés

En France, nous sommes tous considérés comme des donneurs d’organes présumés après notre mort si nous n’avons pas exprimé notre refus. Aujourd’hui seulement 150 000 Français sont inscrits sur le Registre national des refus, un document obligatoirement consulté avant d’envisager un prélèvement.

A partir du 1er janvier 2017, ce registre deviendra le moyen principal pour faire connaître son opposition. La loi prévoit également qu’un témoignage écrit et confié à un proche puisse faire valoir l’opposition du défunt. Si ce témoignage a été fait de vive-voix, la famille devra alors retranscrire à l’écrit les circonstances de la discussion, avec l’aide de l’infirmier coordonnateur, et signer le document. Des évolutions qui seront au cœur d’une nouvelle campagne nationale du 19 novembre au 4 décembre 2016.

Si dans les faits, ces nouvelles dispositions ne changeront pas grand chose, la démarche administrative prend une valeur symbolique. « La signature implique et responsabilise les proches dans la restitution qu’ils nous feront. L’enjeu est d’essayer que tout le monde se sente concerné et prenne position sur le don d’organe », estime Régis Quéré, infirmier coordonnateur à l’hôpital Necker.

Et de fait, l’enjeu est de taille. En 2014, 3 579 personnes en état de mort encéphalique auraient pu être donneuses. Mais parmi elles, seulement 1 769 ont effectivement été prélevées selon le rapport 2015 de l’Agence de la biomédecine. Pour plus de 1 100 d’entre elles, le prélèvement n’a pas eu lieu en raison du refus des proches, soit une personne sur 3. En parallèle, plus de 21 000 malades sont en attente d’une greffe, et 5 700 transplantations ont été réalisées.