On le sait désormais : la collectivité ne pourra pas éternellement prendre en charge le coût de médicaments dont les prix ne cessent de s’envoler. L’arrivée sur le marché des thérapies innovantes et onéreuses fait émerger de nombreuses questions économiques et dilemmes médico-éthiques, qu’il faut résoudre au plus vite.
C’est avec cette crainte que l’Assemblée Nationale a adopté le Projet de Loi de Financement de la Sécu (PLFSS) pour l’année 2017. Ce dernier prévoit de réaliser quatre milliards d'euros d'économies (3,4 en 2016) sur la branche maladie, dont le tiers sur les produits de santé. Plusieurs mécanismes permettront de limiter le coût des médicaments onéreux pour la collectivité. Le PLFSS prévoit, en outre, de donner plus de poids au CEPS (1), l'organisme qui négocie les prix avec les industriels.
Magali Léo, chargée de mission Assurance- Maladie au Ciss, le collectif des patients, revient sur ce qui est perçu comme une vraie avancée.
Diriez-vous que le CEPS manquait jusqu'à présent de marge de manœuvre ?
Magali Léo : Bien sûr. Le CEPS ne peut actuellement retenir que quatre critères pour évaluer le prix d’un médicament, et pas un de plus. Pour des questions de transparence, une directive européenne oblige les Etats à se cantonner aux critères qu’ils auront choisis et à ne pas en évaluer d’autres. La France a opté pour ces quatre-là.
Sauf qu’en pratique, le CEPS est bel et bien mené à évaluer d’autres critères. Du coup, il se fait régulièrement attaquer par les laboratoires, qui l’accusent d’outre-passer son champ de compétence. Le nouveau PLFSS va donc sécuriser les pratiques du CEPS en lui donnant la possibilité de prendre en compte d’autres critères (ancienneté du médicament, prix pratiqués à l’international, tombée de brevet…).
Le texte prévoit également de modifier les calculs pour les médicaments bénéficiant d’une ATU (Autorisation Temporaire d’Usage). Qu’est-ce que cela va changer ?
Magali Léo : Lors d’une ATU, le laboratoire peut fixer librement son prix, étant donné que les évaluations ne sont pas tout à fait terminées et que le médicament n’a pas encore d’AMM (autorisation de mise sur le marché). Actuellement, le système prévoit que le laboratoire reverse de l’argent à l’Assurance maladie s’il y a une différence entre le chiffre d’affaires généré par le prix libre de l’ATU et le prix fixé par la suite par le CEPS.
Le nouveau PLFSS prévoit de modifier cette base de calcul ; le reversement ne sera pas calculé sur la différence entre le prix CEPS et le prix ATU, mais sur la différence entre le prix réellement payé par l’Assurance maladie (prix facial net des remises) négocié après l’AMM et le prix ATU. Au final, la différence étant plus grande, les reversements par les laboratoires à l'Assurance Maladie pourront être plus importants.
Les législateurs auraient pu choisir de ne pas laisser les laboratoires fixer librement le prix d’un médicament sous ATU, mais c’est complexe : les patients sont très attachés au système d’ATU qui leur permet d’avoir accès à un traitement efficace avant l’AMM. Pour les laboratoires, avoir un prix d’affiche élevé est important pour les négociations à l’international. Au final, le texte est un compromis : certes, on ne baisse pas les prix des médicaments chers, mais on limite les coûts pour la collectivité.
Pour favoriser les ATU tout en réduisant leurs coûts, le gouvernement a pensé à un autre mécanisme…
Magali Léo : Oui, un amendement du gouvernement a fixé un plafonnement coût / patient. Tous les ans, si le coût d’un traitement par patient est supérieur à ce plafond, le laboratoire devra verser la différence. Toute la difficulté est de fixer le bon plafond, car s’il est trop bas, alors, cela risque de décourager les laboratoires de s’engager dans des ATU. Nous avons obtenu du ministère que le coût annuel par patient ne descende pas en dessous des 10 000 euros. Un arrêté viendra fixer le montant précis de ce plafond.
Par ailleurs, nous avions des craintes sur les petits laboratoires qui développent des molécules innovantes et n’ont pas la trésorerie des plus grands. Autant les géants du secteur peuvent se permettre de faire ces versements, autant c’est un problème pour les petites sociétés. Du coup, nous avons obtenu un aménagement pour les médicaments générant un chiffre d’affaires est inférieur à 30 millions euros.
(1) CEPS : Comité économique des produits de santé