Pour la première fois en France, 170 avocats ont constitué, à l’initiative du barreau de Paris, un « groupe de contact des avocats de victimes du terrorisme ». Un an après les attentats du 13 novembre 2015 (à Paris et à Saint-Denis), ce groupe d’avocats livre le fruit de leurs travaux en faveur des victimes, pour un droit à la hauteur des préjudices subis.
Ce travail collectif, mis à disposition de l’ensemble des acteurs de l’indemnisation, a été présenté aux associations et à la presse ce lundi, en présence de Juliette Méadel, secrétaire d’État à l’aide aux victimes. Et cette dernière a été attentive aux souffrances des victimes puisqu'elle leur a donné en partie satisfaction. D'après Le Figaro, elle a annoncé la prise en compte du « préjudice d'angoisse » pour les victimes directes et indirectes d'attentats.
Un préjudice d'attente pour les proches
L'Agence France Presse (AFP), qui a consulté le document, rapporte que ces avocats le définissent comme « une souffrance supplémentaire » résultant de « la conscience d'une mort imminente » et de « l'angoisse existentielle y afférent ». Le préjudice d'angoisse doit notamment compenser « la très grande détresse » des victimes, qui ont « basculé en quelques secondes d'un moment de loisir ou de fête à une scène de guerre », affirment-ils dans leur livre blanc.
Ils poursuivent en expliquant que leurs proches doivent, eux, bénéficier du préjudice d'attente, qui dédommage « l'attente s'écoulant entre la connaissance de l'événement et la confirmation de proches sur le lieu de l'attaque » ou encore « les circonstances éprouvantes dans lesquelles les victimes par ricochet ont été informées de l'état de santé/du décès » de la victime principale, précisent-ils.
Juliette Méadel est du même avis : « Il ne fait donc pas de doute, aujourd'hui, que l'angoisse des victimes directes et l'attente des victimes indirectes constituent, à plus forte raison en cas d'acte terroriste, des préjudices à prendre en compte dans l'évaluation, au cas par cas, de l'indemnisation (...). Le préjudice d'angoisse et d'attente est évidemment là et je m'emploierai à convaincre tout ceux qui, aujourd'hui encore, persistent à en douter », a-t-elle ajouté.
Une mesure coûteuse
A l'heure actuelle, ce préjudice n'est pourtant pas pris en compte par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI). « Il ne s'agit pas d'une posture. Il faut que les droits des victimes soient respectés et que l'intégralité des préjudices soit pris en compte », estime ainsi Me Dominique Attias, vice-bâtonnière du barreau de Paris, interrogée par l'Agence France-Presse.
Mais la mesure pourrait s'avérer extrêmement onéreuse pour le FGTI, qui a budgétisé 300 à 400 millions d'euros pour l'indemnisation des quelque 2 800 victimes du 13 novembre et en a actuellement versé 43,8 millions. « Il a été affirmé et réaffirmé, notamment par le président de la République, qu'il n'y aurait pas de problème de financement, que ce n'était pas un sujet », remarque Me Bibal, pour qui il faut « appliquer le meilleur état de droit », « les meilleures jurisprudences » aux victimes du 13 novembre et non « bâcler les choses ».
Les précédents
Ces préjudices ont déjà été reconnus pour l'indemnisation de plusieurs catastrophes, notamment l'accident de car de Puisseguin, qui fit 43 morts le 23 octobre 2015, quelques semaines avant les attentats du 13 novembre. Les victimes avaient alors perçu 50 000 euros au titre du préjudice d'angoisse subi. « A Puisseguin, cela fait trois mois qu'il y a un accord à l'amiable qui reconnaît le préjudice d'angoisse pour les malheureux qui ont été brûlés dans un car », observe Me Frédéric Bibal, l'un des signataires du livre blanc.Plus récemment, le préjudice d'anxiété a aussi été reconnu par la justice pour 12 consommateurs du Mediator. En revanche, 38 usagers n'ont pas eu gain de cause.
Enfin, le conseil des prud'hommes de Forbach a condamné en juin Charbonnages de France (CdF) à payer la somme de 1000 € à chacun des 786 mineurs de charbon retraités au regard du préjudice moral spécifique dit d'anxiété. La juridiction a estimé que CdF avait exposé ses anciens salariés à deux produits dangereux pour la santé : les poussières nocives et le formol.