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Moi(s) sans tabac

BPCO : deux tiers des patients ne sont pas diagnostiqués

Par Stéphany Gardier

ENTRETIEN - Le Pr Bruno Housset souligne la méconnaissance de la bronchopneumopathie chronique obstructive. Cette maladie principalement liée au tabac a des conséquences lourdes.

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« Avant de vous tuer, le tabac va vous asphyxier ! ». Le message choisi pour la Journée mondiale de la BPCO, qui aura lieu le 16 novembre, tombe à point nommé en plein Moi(s) sans tabac. Les pneumologues rappellent dans cette campagne que c’est « toujours le bon moment pour arrêter de fumer ». Ils souhaitent attirer l’attention des fumeurs sur la bronchopneumopathie chronique obstructive. Une maladie peu connue des patients, alors qu’elle est fréquente chez les fumeurs et aboutit, dans près de la moitié des cas, à une insuffisance respiratoire. Le Pr Bruno Housset, chef du service de pneumologie du Centre hospitalier de Créteil et président de la Fondation du Souffle, fait le point sur cette pathologie.

 

La BPCO reste-t-elle encore trop méconnue des fumeurs?

Pr Bruno Housset : Pour la majorité des personnes qui fument, les risques identifiées sont le cancer du poumon, bien entendu, puis les maladies cardiovasculaires, surtout l'infarctus et l'AVC. Mais effectivement très peu sont conscients des risques liés à la BPCO. Pourtant, dans 8 cas sur 10, elle est liée au tabagisme, et c'est une maladie qui peut avoir des conséquences très graves ; comme le dit le slogan elle « asphyxie » en quelque sorte les patients. Différentes altérations se produisent au niveau pulmonaire, et provoquent une toux, des expectorations, et un essoufflement. La maladie peut évoluer jusqu'à l'insuffisance respiratoire.

L'essoufflement est, à tort, beaucoup trop banalisé. Les patients le mettent souvent sur le compte de l'âge, alors ils réduisent leurs activités pour « se ménager » et un cercle vicieux se met alors en place. Au final, on estime que deux tiers des patients atteints de BPCO ne sont pas diagnostiqués. Une étude a montré que parmi les personnes hospitalisées pour une exacerbation, c'est à dire un épisode sévère, 20 % ne savaient pas qu'ils souffraient de cette maladie.

Arrêter de fumer permet-il d'éviter la BPCO ?

Pr Bruno Housset : Oui ! Et c'est fondamental de le faire savoir aux fumeurs. C'est aussi le but de notre campagne. Toutes les raisons sont bonnes pour arrêter de fumer, et le faire pour réduire son risque de cancer, c'est très bien. Mais il faut aussi que les fumeurs se rendent compte que se sevrer c'est limiter le déclin de sa fonction respiratoire. On sait aujourd'hui que ceux qui arrêtent le tabac voient leur capacité pulmonaire évoluer par la suite comme celle d'un non-fumeur.

Est-il possible de traiter la maladie ?

Pr Bruno Housset : Il est possible de ralentir la progression de la maladie. C'est pour cela qu'il faut poser le diagnostic le plus tôt possible. Et sur ce point il faut encore progresser. Une expérimentation va être lancée par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) : dans certains départements les généralistes volontaires pourront se former pour réaliser un test de spirométrie. C'est simple rapide et ça permet d'objectiver immédiatement la perte de fonction respiratoire.

Une fois le diagnostic posé, la première mesure à prendre est bien entendu l'arrêt du tabac. Ensuite, les patients reçoivent des conseils pour améliorer leur hygiène de vie. L'éducation thérapeutique est un point crucial de la prise en charge. Surtout quand des traitements sont mis en place. Ceux-ci ne guérissent pas la maladie mais permettent d'en limiter les symptômes. Sur ce point, il a été constaté que beaucoup trop de patients reçoivent encore des corticoïdes inhalés. Or s'ils sont indiqués dans l'asthme, ce n'est pas le cas pour la BPCO. Il faut qu'il y ait une recentrage sur les bronchodilatateurs. Différents types d'inhalateurs existent aujourd'hui : il est important de prendre le temps de trouver celui le mieux adapté à chaque patient. C'est essentiel pour assurer une bonne observance, ce qui est souvent difficile dans les pathologies chroniques.

Conseilleriez-vous la e-cigarette, dans le cadre du sevrage tabagique?

Pr Bruno Housset : Tout est bon pour arrêter ! Dans le cadre d'un sevrage tabagique, on peut donc envisager la e-cigarette. Mais il faut être conscient qu'il ne s'agit pas d'un dispositif anodin. De récents travaux, menés chez la souris et in vitro, ont montré que la nicotine contenue dans les e-liquides pourrait avoir des effets directs sur les cellules pulmonaires. C'est surprenant, et demande à être confirmé. Mais cela indique aussi que nous avons encore beaucoup à apprendre sur la cigarette électronique. Une étude australienne vient de montrer également une augmentation des symptômes bronchitiques chez les adolescents non-fumeurs mais vapoteurs. Il faut donc rester prudent, et en tout cas réserver la e-cigarette à ceux qui souhaitent en finir avec le tabagisme.