Les écrans de nos smartphones sont sales, ça n’est pas nouveau. Mais jusqu’à quel point ? Les plus informés répondront qu'ils sont moins propres que des cuvettes de toilettes. Les plus soigneux expliqueront qu’il est dénué de toute trace de doigt. Les bactéries, elles, persistent longtemps. Et elles ne sont pas les seules, à en croire une étude parue dans PNAS, la revue de l’Académie Américaine des Sciences. Nourriture, cosmétiques et répulsifs se côtoient joyeusement sur les mobiles que nous affectionnons tant.
Dans le monde, 280 millions de personnes sont accros à leur portable. Les 39 adultes qui ont participé à ces travaux ne verront sans doute plus leur téléphone de la même façon. Dans les locaux de l’Université de Californie à San Diego (Etats-Unis), ils ont accepté de livrer leur appareil à une analyse particulière. Les chercheurs ont passé des cotons tige sur 4 zones du téléphone et 8 parties de leur main droite.
Un portrait robot
Les résultats sont loin d’être ragoûtants puisque des traces de nourriture se sont déposées durablement sur les écrans tactiles. En tête : citron, café, herbes aromatiques et épices. Un cocktail a priori alléchant s’il ne côtoyait pas divers produits d’hygiène personnell, ainsi que des restes de médicaments. Crèmes anti-inflammatoire ou antifongiques, gouttes pour les yeux et autres antidépresseurs se trouvent également sur la surface analysée. Pour couronner le tout, des écrans solaires et un insecticide répulsif contre les moustiques a été détecté. Et pourtant, ces produits n’avaient pas été utilisés depuis plusieurs mois.
Le résultat est si précis qu’il titille l’imagination des chercheurs. A partir d’un simple échantillon, dresser le portrait du propriétaire est possible. Est-ce une femme ou un homme ? Utilise-t-il des cosmétiques ? Quelles boissons préfère-t-il ? De quelles pathologies souffre-t-il ? « C’est le genre d’information qui peuvent aider un enquêteur à resserrer ses recherches », avance Amina Bouslimani.
Suivre les patients
Le projet date de 2015, date d’une première étude menée par la même équipe. Elle note alors que cosmétiques et produits d’hygiène se transmettent sur les surfaces, y compris les téléphones portables. Cette étude apporte une preuve de concept. Pieter Dorrestein, qui signe cette publication, n’hésite pas à aller au-delà de ses résultats. « Il est possible d’imaginer un scénario de scène de crime, où l’enquêteur trouve un objet personnel – un téléphone, un crayon ou une clé par exemple – qui ne possède pas d’empreintes digitales ou d’ADN ou qu’ils ne sont pas répertoriés », explique-t-il.
La police scientifique est en effet un domaine d’application prometteur, mais aussi très large. Pour y parvenir, il faudrait cataloguer l’ensemble des matières textiles, des aliments, des médicaments… Un travail colossal. Un autre secteur est à envisager, celui de la santé. En analysant les variations des métabolites de la peau, les médecins pourraient s’assurer que leurs patients suivent bien leur traitement. Reste à savoir si ces derniers se plieront à une surveillance si stricte, voire infantilisante.