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Modification génétique

CRISPR-Cas9 : la technique a été utilisée pour la première fois chez l'homme

Par Anne-Laure Lebrun

Des chercheurs chinois ont utilisé la technique d'édition des gènes CRISPR-Cas9 chez un patient atteint d'un cancer du poumon. Une première mondiale qui pose question. 

ktsdesign/epictura

Un pas a été franchi dans l’édition des gènes. Pour la première fois la technique de manipulation génétique CRISPR-Cas9 a été utilisée chez un homme atteint d’un cancer du poumon agressif. Cette première a été réalisée par une équipe chinoise fin octobre dernier dans le cadre d’un essai clinique annoncé cet été, rapporte le prestigieux journal scientifique Nature.

Cette technique, surnommée « ciseaux moléculaire », permet de remplacer ou modifier un gène malade par un gène sain quasi indéfiniment. Cette méthode révolutionnaire s’est rapidement imposée dans les laboratoires et ouvre la voie à de nouvelles voies thérapeutiques contre de nombreuses maladies.


10 patients seront inclus

L’essai chinois est le premier à la tester chez des patients souffrant d’un cancer non à petites cellules de stade métastatique, et pour lequel toutes les options thérapeutiques ont échoué. Pour concevoir le traitement, les chercheurs prélèvent un type particulier de globules blancs, les lymphocytes T. Ces cellules sont ensuite modifiée génétiquement à l’aide de CRISPR-Cas9 pour reconnaître les cellules cancéreuses et les tuer. Ces globules blancs modifiés sont amplifiés en laboratoire puis réinjectés chez les patients.

Le premier patient inclus a déjà reçu une injection. Il devrait en recevoir une seconde d’ici peu, a indiqué le Dr Lu You de l’université Sichuan à Chengdu. Au total, 10 patients devraient participer à cette étude et recevront entre 2 et 4 injections de lymphocytes T modifiés. Pour s’assurer de la sécurité du traitement, les volontaires seront suivis 6 mois après l’administration du traitement. Ils devraient être suivis encore quelques mois après pour évaluer son efficacité.


Plusieurs essais en 2017

D’autres équipes chinoises s’apprêtent à tester l’efficacité de CRISPR-Cas9 chez des malades du cancer. Des chercheurs de l’université de Pékin attendent l’autorisation des autorités éthiques du pays et espèrent lancer 3 essais cliniques en mars 2017 chez des patients atteints d’un cancer de la vessie, de la prostate et des reins. Une équipe américaine, qui a mis au point une thérapie ciblant 3 gènes malades, espère elle aussi pouvoir lancer un essai clinique début 2017.

Dans le monde scientifique, et notamment celui de la cancérologie, CRISPR-Cas9 suscite des espoirs. Néanmoins, l’édition des gènes soulève aussi de nombreuses questions éthiques. Certains spécialistes s’inquiètent d’une avancée vers l’eugénisme. « A moins qu’elle montre un gain énorme d’efficacité, il sera difficile de justifier son introduction », a estimé Naiyer Rizvi, un oncologue de l’université de Columbia à New York interrogé par Nature. D’autant que son utilisation n’est pas encore totalement maitrîsée. En l’appliquant chez l’homme, l’équipe chinoise s’est lancée dans une grande inconnue.