Le gouvernement s’attaque aux bactéries résistantes. Pour réduire de 25 % la consommation d’antibiotiques d’ici à 2018 et limiter les conséquences sanitaires et environnementales de l’émergence de l’antibiorésistance, un programme interministériel financé à hauteur de 330 millions d’euros sur 5 ans va être lancé.
Une enveloppe conséquente pour une menace qui ne cesse de grossir. « La prévalence croissante de bactéries résistantes à la quasi-totalité des classes d’antibiotiques connues est inquiétante, a déclaré Marisol Touraine, ministre de la Santé. Le risque d’entrer dans une ère post-antibiotique est bien présent, compromettant les progrès médicaux acquis ces cinquante dernières années »
De fait, chaque année en France, plus de 12 500 patients meurent d’une infection à bactérie multirésistante. A l’échelle mondiale, si rien n’est fait d’ici 2050, l’antibiorésistance serait responsable de plus de morts que le cancer, soit plus de 10 millions de décès. Dans le même temps, les soins et interventions chirurgicales les plus courants ne pourraient plus être pratiqués.
Autant dire qu’il faut agir, et vite. Pour y arriver, il va falloir revoir « notre politique en matière d’antibiorésistance », a jugé la ministre. Et c’est tout l’objectif de cette feuille de route présentée ce jeudi. Celle-ci s’inspire largement du rapport de Jean Carlet et s’organise autour de 4 axes : mieux sensibiliser le public, mieux utiliser les antibiotiques, davantage soutenir la recherche et l’innovation et enfin, renforcer la surveillance.
Sensibiliser le grand public et les professionnels
Ce plan interministériel se compose de 40 actions réparties en 13 mesures, avec pour un seul objectif : faire reculer la consommation d’antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire et favoriser le bon usage.
Des campagnes grand public et des formations aux professionnels rappelleront ainsi que « les antibiotiques, c’est pas automatique » et ce aussi bien pour les hommes que leurs animaux. Les prescriptions de ces médicaments seront d’ailleurs mieux encadrées. Il est même prévu que leur conditionnement soit modifié afin de les adapter aux durées de traitement et « d’insérer un message d’alerte sur les risques du mésusage en matière de résistance bactérienne », a expliqué Marisol Touraine.
Coordination internationale
Le gouvernement espère aussi rebooster la recherche sur de nouvelles molécules et et sur les stratégies thérapeutiques et diagnostiques. Dans le même temps, la feuille de route prévoit de renforcer les réseaux de surveillance pour mieux évoluer l’évolution de l’antibiorésistance conjointement chez l’homme, l’animal et dans l’environnement.
Puisque ce phénomène est universel, la France ira porter ses actions au niveau européen et international. Car l’antibiobiorésistance ne pourra pas être endiguée sans la coordination de tous les pays, a rappelé la ministre.
Grâce à ces mesures, le gouvernement espère pouvoir diminuer le nombre de décès attribués à l’antibiorésistance et le faire passer sous la barre des 10 000 dans 3 ans.
Santé animale : les ventes d’antibiotiques diminuent
Le plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire porte ses fruits. Au cours des 4 dernières années, l’exposition des animaux, toutes espèces animales et toutes familles d'antibiotiques confondues, a diminué de 20 %, selon un nouveau rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
Plus particulièrement, l’Anses observe que les animaux domestiques et d’élevage sont moins exposés à des antibiotiques particulièrement importants en médecine humaine, « car elles constituent l’une des seules alternatives pour le traitement de certaines maladies infectieuses chez l'homme », explique l’agence. Ainsi, l’exposition aux fluoroquinolones et les céphalosporines de 3ème et 4ème générations a respectivement diminué de 22,3 % et 21,3 %. Résultat : le Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales a observé diminution de la résistance à ces deux médicaments dans plusieurs filières
Des bons résultats qui fait dire au ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, que l’objectif de réduire de 25 % l’utilisation des antibiotiques est en passe d’être atteints, et que les conséquences sanitaires de l’antibiorésistance pourraient être limités. Ces efforts seront poursuivis à travers la feuille de route interministérielle.