Un brouillard épais et sombre couvre les grandes villes. Le smog, souvent associé à Londres (Royaume-Uni), touche désormais l’ensemble du monde. New-York, Pékin, Paris… nombreuses sont les mégapoles qui étouffent sous la pollution. Cet air fétide est délétère pour la santé pulmonaire et cardiovasculaire. Mais il pourrait aussi véhiculer une menace plus sournoise : celle de l’antibiorésistance. C’est ce que suggère une étude de l’université de Göteborg (Suède) dans la revue Microbiome. Le phénomène a de quoi alarmer : il tue chaque année 700 000 personnes.
Des antibiotiques de dernier recours
Les auteurs de ces travaux ont mis les petits plats dans les grands pour mener leurs recherches. Ils ont passé en revue 864 échantillons d’ADN récoltés chez l’homme, l’animal et dans divers environnements. « Nous avons étudié un petit nombre d’échantillons d’air », explique Joakim Larsson, auteur de la publication. Parmi eux, de l’air de Pékin (Chine), récupéré lors d’un épisode de smog. Dans cette capitale démesurée, ce brouillard est dense et force régulièrement la population à se couvrir à l’aide d’un masque respiratoire.
L’image est connue mais ne reflète qu’une partie du problème. Cet air presque opaque véhicule aussi des bactéries, et pas n’importe lesquelles : celles porteuses de gènes de résistance aux antibiotiques. « Les échantillons que nous avons analysés montrent un mélange varié », souligne Joakim Larsson. Une forme inquiète particulièrement ce chercheur : les bactéries de survivre aux carbapénèmes, des antibiotiques utilisés en dernier recours contre les souches particulièrement coriaces. Les concentrations des gènes de résistances à ces antibiotiques relevées dans l'air seraient comparables à ceux trouvés dans les intestins humains et les eaux usées.
La menace fantôme
En matière d’antibiorésistance, la capitale chinoise est la championne, et de loin. Mais la comparaison avec New-York et San Diego, toutes deux situées aux Etats-Unis confirme les doutes. La pollution aérienne est bien vectrice de gènes qui favorisent la résistance. « Cela pourrait être un mode de transmission plus important qu’on ne le pensait », confirme Joakim Larsson. Reste maintenant à lever une inconnue : les bactéries détectées sont-elles capables de survivre à l’air libre ? Les chercheurs estiment qu’il y existe probablement un mélange des deux.
Ces résultats sont en tout cas à prendre au sérieux car la menace environnementale a longtemps été ignorée. Et comme le soulignent les auteurs, les gènes de l’antibiorésistance sont anciens. Ils ont été retrouvés jusque dans le permafrost et les sols gelés de l’Alaska. C’était d’ailleurs l’objectif de ces travaux : identifier les scénarios qui présentent un risque pour l’humanité. A l’heure du réchauffement climatique, la fonte des glaces en représente un de taille.