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Des chercheurs recréent un intestin humain avec des cellules souches

Par Anne-Laure Lebrun

A partir de cellules souches humaines, des chercheurs ont réussi à recréer en laboratoire un intestin fonctionnel. Grâce à ce modèle, ils ont pu étudier une maladie rare.

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Pour la première fois, des chercheurs américains de l’hôpital pour enfants de Cincinnati et une équipe française de l’Inserm ont réussi à recréer en laboratoire un intestin humain fonctionnel. Cette prouesse médicale, présentée dans Nature Medicine, a été réalisée à partir de cellules souches humaines cultivées en laboratoire. Il n’existait jusqu’alors aucun modèle biologique permettant d’étudier en laboratoire cet organe présenté comme « le second cerveau ».

L’intestin est en effet un organe essentiel à l’organisme. Il possède son propre système nerveux qui contrôle la contraction des muscles intestinaux. Il est ainsi responsable de la digestion, la production de certaines hormones ainsi que la perméabilité des parois de l’intestin. Dès lors, les dysfonctionnements de ces neurones engendrent de nombreuses pathologies, parfois sévères.

Recréer cet ensemble en laboratoire avait jusqu’à maintenant été très compliqué. Pour dépasser les obstacles techniques, l’équipe franco-américaine a mis au point une technique innovante utilisant des cellules souches humaines pluripotentes. Ces dernières peuvent se différencier en n’importe quelles cellules spécialisées comme des cellules de peau, foie ou rein.


Des mini-intestins fonctionnels

Pour pousser les cellules à devenir des cellules intestinales, les chercheurs ont ajouté différents cocktails de molécules dans les boites de Pétri. Mais avec cette approche, le système nerveux de l’intestin ne se développait pas. Ils ont donc en parallèle dû créer des cellules nerveuses au stade embryonnaire appelées cellules de la crête neurale, et les manipuler pour qu’elles deviennent des cellules nerveuses de l’intestin.
« La difficulté de cette étape était d’identifier comment et quand incorporer les cellules de la crête neurale dans l’intestin en développement précédemment créé in vitro », explique Maxime Mahé, chargé de recherche à l’Inserm, co-premier auteur de ce travail.

Ces deux tissus ont ensuite été placés ensemble dans une boîte de culture. Résultat : l’ensemble a crée un tissu intestinal semblable à l’intestin fœtal. Au terme de son développement, des « mini-intestins », appelés organoïdes intestinaux, ont vu le jour.

Le défi suivant pour les chercheurs était de s’assurer que ces organoïdes soient fonctionnels. Il les ont alors implanté chez des souris dépourvues de système immunitaire afin d’éviter les phénomènes d’anti-rejet. Grâce à cette transplantation, l’équipe a pu observer le développement in vivo des ces mini-intestins qui se sont assemblées « d’une manière remarquablement similaire » à l’intestin humain et qui ont assuré les fonctions physiologiques.

Source : Inserm. Coupe transversale d’organoïde intestinal humain possédant un système nerveux entérique après transplantation chez la souris. Nous visualisons l’épithélium intestinal en rouge ouvert sur un lumen. Le tissu sous-jacent à l’épithélium est riche en vaisseaux sanguins (vert, CD31) et présente des neurones (jaune, TUBB3) également dérivés des cellules souche pluripotentes humaines. Le tissu observé est incroyablement similaire à un tissu normal humain.


Etudier les maladies intestinales

Avec ce modèle laboratoire validé, les scientifiques ont pu étudier une maladie intestinale rare, la maladie de Hirschsprung. Les personnes atteintes de cette pathologie souffrent de constipation et d’occlusion intestinale car le système nerveux intestinal ne s’est pas formé. Cette maladie peut également s’avérer mortelle chez les malades porteurs d’une mutation du gène PHOX2B. Un effet délétère démontré in vitro et chez les souris.

« Nos travaux marquent une étape essentielle dans la compréhension des maladies digestives chez l’Homme où peu de modèles sont présents. Cette nouvelle technologie offre une plateforme de « screening » pour de nouvelles thérapeutiques intestinales. Il s’agit encore des prémices mais une perspective de médecine régénérative et personnalisée est envisageable, notamment en vue de la transplantation d’un intestin spécifique à chaque patient », se réjouit Maxime Mahé.