Césarienne, pose de prothèse de genou, ablation des amygdales… Les Français reçoivent-ils des soins de même qualité n’importe où sur le territoire ? A en croire le premier Atlas des pratiques médicales du ministère de la Santé publié ce jeudi 24 novembre, « des variations notables » existent « dans la délivrance des soins médicaux (ou hospitaliers) en France », notent David Goodman et John Wenberg du Dartmouth Institute dans la préface.
Après avoir exploité toutes les données disponibles sur les séjours hospitaliers et le nombre d’interventions chirurgicales, les auteurs du rapport mettent en effet en évidence de grandes disparités de recours pour une dizaine d’interventions (1).
Avec 152 679 césariennes en 2014, ce geste chirurgical est le plus pratiqué en France en 2014. « En France, près d’une femme sur cinq donne naissance par césarienne. Dans moins de la moitié des cas, la césarienne est programmée », indique l’Atlas. Avec un taux de recours moyen national de 18,7 pour 100 naissances en 2014, la France se situe nettement en dessous des pays comme l’Allemagne et l’Australie (plus de 30 pour 100 naissances). Mais le nombre de césariennes peut varier du simple au double selon le département.
La Guyane, les Alpes de Haute-Provence, la Lozère et la Haute-Corse enregistrent plus de 23 césariennes pour 100 naissances tandis que l’Yonne, le Loir-etCher, le Doubs, la Guadeloupe, le Jura et la Haute-Saône en partiquent moins de 15 pour 100 naissances.
De fortes disparités inexpliqués
La chirurgie de la fracture de la hanche, dont ont bénéficié près de 75 000 personnes en 2014, est 3 fois plus pratiquée en Haute-Corse qu’en Guadeloupe (49 pour 100 000 habitants en Guadeloupe contre 154 en Haute-Corse). Ces variations s’expliquent, en partie par les différences locales d’organisation des soins ou une meilleure prévention des chutes ou de l’ostéoporose dans certains départements.
De même, le nombre d’ablations des amygdales varie du simple au quintuple selon le département alors qu’à l’échelle nationale, le nombre de personnes opérées a peu varié en 4 ans, passant de 67 964 en 2010 à 66 098 en 2014.
Ainsi, les Girondins sont 6 fois plus susceptibles de se faire opérer que les Guyanais (28 séjours pour 100 000 habitants en Guyane contre 168 en Gironde en 2014). Les taux de recours sont également supérieurs à 150 pour 100 000 habitants en Charente-Maritime et le Nord, tandis qu’ils sont inférieurs à 50 dans les Alpes-de-Haute-Provence, la Creuse, les Hautes-Pyrénées, bien loin du taux de recours national de 101 ablations pour 100 000 habitants. Des disparités que n’expliquent pas les auteurs.
De grandes disparités persistent également pour les appendicectomies. Depuis les années 1980, cette intervention occupe beaucoup les moins chirurgiens. En 2014, 77 292 personnes se sont fait opérer alors qu’ils étaient plus de 300 000 30 ans auparavant. Mais malgré ces changements de pratique, des taux de variations de 1 à 4 perdurent avec, par exemple, 41 séjours pour pour 100 000 habitants en Martinique contre 169 pour 100 000 habitants dans la Nièvre.
La chirurgie bariatrique inégalement pratiquée
Mais les plus grandes variations recensés dans cet Atlas concerne la chirurgie de l’obésité ou chirurgie bariatrique. Cette intervention lourde est aujourd’hui une activité en plein essor; elle a presque doublé entre 2010 et 2014, passant de 26 405 à plus de 46 800 séjours.
Mais cette chirurgie se développe de façon inégale sur le territoire. En 2014, l’Yonne et l’Aube en ont pratiquée 140 pour 100 000 habitants alors que la Guyane en a réalisé 8. Le taux moyen national est de 72 pour 100 000 habitants.
« Les différences ne s’expliquent pas par la prévalence de l’obésité, puisque les zones géographiques où cette chirurgie est la plus souvent réalisée ne correspondent pas aux zones où l’obésité est la plus fréquente », souligne les auteurs de l’Atlas.
Outre ces données chiffrées qui donnent une idée des différentes pratiques sur le territoire, les auteurs peinent à expliquer toutes ces variations. « L’approche retenue par taux de recours ne peut à elle seule rendre compte de la complexité des comportements de consommation et d’offre de soins mais reste une première approche essentielle servant de point d’appui au développement de réflexions et travaux futurs sur le sujet », concluent-ils.
(1) Amygdalectomie, appendicectomie, césarienne, chirurgie bariatrique ou de l'obésité, chirurgie de la tumeur bénigne de la prostate, chirurgie du syndrome du canal carpien, ablation de la vésicule biliaire, ablation de l’utérus, pose d'une prothèse de genou, ablation de la thyroïde, chirurgie de la fracture de hanche.