« Une personne séropositive sous traitement ne transmet plus le virus ». A travers sa nouvelle campagne, l’association AIDES veut mettre à mal les fausses idées sur le VIH – et elles sont nombreuses. L’une des plus stigmatisantes pour les personnes séropositives concerne les modes de transmission du virus.
De fait, les sondages montrent que le grand public, notamment les jeunes, ignore les risques et les modes de transmission du VIH. Beaucoup pensent par exemple qu’il peut se contracter à travers un baiser. La nouvelle campagne a pour objectif de rappeler que les traitements antirétroviraux « sont aujourd’hui si efficaces qu’ils rendent le virus indétectable dans le sang et les liquides sexuels des personnes touchées ».
Ainsi, les personnes séropositives ne transmettent plus le VIH, même lors d’une relation sexuelle non protégée. Le Pr Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Tenon, revient sur ce fait scientifique qui a tant de mal à se frayer un chemin parmi la population.
Est-il scientifiquement établi que les personnes séropositives sous antirétroviraux ne peuvent pas contaminer leur partenaire ?
Pr Gilles Pialoux : Ce qu’on a l’habitude de dire, en consultation, c’est que le risque zéro n’existe pas mais qu’on dispose de données très solides et nombreuses permettant d’affirmer que le niveau de protection des personnes sous traitement est extrêmement élevé, aux alentours de 96-97 %, toutes populations à risque confondues. La plus grande étude à ce sujet a été menée sur les cinq continents, sur des couples homosexuels comme hétérosexuels, composés d’une personne séropositive et l’autre pas.
Alors, c’est vrai, on n’est pas à 100 % et c’est là toute la difficulté de faire comprendre ces données statistiques au grand public. Mais il y a tellement de méconnaissance et de discrimination autour du VIH que la campagne d’AIDES est particulièrement bienvenue. Aujourd’hui, un patient séropositif traité, bien suivi, dont la charge virale est maîtrisée et qui n’a pas de co-facteurs (comme d’autres infections, par exemple) peut avoir des rapports sexuels non protégés et faire des bébés sans transmettre le virus.
Conseillez-vous malgré tout le préservatif à vos patients sous traitement ?
Pr Gilles Pialoux : C’est plus compliqué que cela : on fait du cas par cas. La plupart du temps, c’est le séropositif qui est très angoissé à l’idée de transmettre le virus ; le non-séropositif du couple a tendance à être moins stressé. En fait, on fait en fonction des peurs manifestées par le couple. Il s’agit de choix personnels, conjugaux, mais pas de santé publique.
Le traitement antirétroviral a-t-il tendance à être bien suivi par les patients ?
Pr Gilles Pialoux : Oui, si on y met les moyens. Au niveau de la COREVIH, qui regroupe à Paris les hôpitaux Saint-Antoine, la Pitié-Salpêtrière et Tenon (soit 11 000 patients), on estime qu’environ 91 % des personnes atteintes du VIH ont une charge virale maîtrisée – et donc, sont observantes.
Mais nous y avons effectivement mis les moyens, puisque nous avons mis en place des consultations « éducation thérapeutique », des consultations « observance ». Nous avons des thérapeutes formés aux langues étrangères pour les patients qui comprennent mal le Français. Avec cet arsenal de mesures, on obtient des résultats satisfaisants en matière d’observance et de suivi.