« Pour prévenir les récidives d’accident vasculaire cérébral (AVC), rechercher les signes de dépression est une étape clé », affirme la neurologue américaine Amytis Towfighi. Elle doit présenter en fin de semaine au congrès de l’Académie américaine de neurologie les résultats d’une étude montrant que le risque de récidive fatale d’AVC est multiplié par 4 lorsque le patient est dépressif. Ce qui est fréquent puisque selon les chiffres américains, après un accident vasculaire cérabral, plus d’1 patient sur 3 présente des signes dépressifs. Les repérer et les prendre en charge serait donc positif pour la santé mentale et cardiovasculaire des malades.
Cet effet doublement bénéfique de la prise en charge des signes dépressifs est observé également après un infarctus. « Un patient dépressif suit moins bien son traitement et est moins enclin à modifier ses habitudes de vie, explique le Dr Bruno Pavy, cardiologue et chef du service de réadaptation cardiovasculaire du Centre hospitalier Loire-Vendée-Océan de Machecoul en Loire-Atlantique. Si elle n’est pas dépistée et prise en charge, la dépression affecte donc indirectement le pronostic cardiovasculaire ».
Dans ces structures de réadaptation, qui assurent pour un peu plus d’un patient sur 3 la transition vers le domicile après un accident ou une chirurgie cardiaque, le repérage des signes dépressifs fait partie intégrante du suivi. Entre un quart et la moitié des patients seraient concernés. Mais il n’est pas toujours évident de faire la part des choses entre des signes dépressifs passagers en réaction à l’infarctus et les premiers symptômes d’une dépression caractérisée. C’est lorsqu’ils persistent plusieurs mois après l’infarctus qu’on peut être certain qu’il s’agit d’une dépression.
Première difficultée, se confier aux psychologues
Les équipes tentent donc d’intervenir en amont en proposant aux personnes qui suivent la réadaptation cardiaque de rencontrer le psychologue, ce qui déjà ne va pas de soi. « Nous suivons principalement des hommes d’une cinquantaine, soixantaine d’années, raconte Bénédicte Gregory, psychologue dans le service du Dr Pavy à Machecoul. Ils n’ont pas du tout la culture du psychologue. Confier leur mal-être serait un aveu de faiblesse. Le premier pas est souvent difficile à franchir ».
Eve Hustaix, qui intervient dans l’unité de rééducation cardiaque du Centre hospitalier de Dax dans les Landes, a trouvé une parade pour dédramatiser ce premier contact avec la psychologie : « J’accompagne les patients pendant la marche, qui fait partie du programme de réadaptation physique, raconte cette psychologue. C’est une occasion plus informelle de se parler et souvent les patients reviennent me voir ensuite dans mon bureau. Alors que, spontanément quand on leur parle de rencontrer la psy, ils répondent qu’ils ne sont pas fous ! »
Ces patients qui viennent de faire un infarctus parfois suivi d’une chirurgie lourde ont pourtant souvent des choses à confier aux psychologues. « Une maladie grave, c’est la confrontation avec la mort possible, explique Bénédicte Grégory. La particularité de l’infarctus par rapport au cancer par exemple, c’est la brutalité avec laquelle vous êtes frappé. L’angoisse a posteriori est d’autant plus grande ». « Leur corps les a trahi, confirme Eve Hustaix. Il y a une perte de confiance telle que certains patients n’arrivent plus à dormir de peur de ne pas se réveiller ».
Repérer les signes
Les troubles du sommeil et de l’appétit sont d’ailleurs le signe qui met la puce à l’oreille des soignants et devrait alerter les proches. Mais les familles ont parfois du mal à déceler que quelque chose ne va pas tant elles sont soulagées de ne pas avoir vu mourir leur proche de l’infarctus. Entre celles qui vont surprotéger et étouffer leur proche par leurs propres angoisses de la récidive et celles qui vont vouloir bien faire en évacuant le plus rapidement possible ce souvenir douloureux pour reprendre le quotidien comme avant, les patients s’autorisent souvent difficilement à dire qu’ils vont mal.
« D’autant plus qu’il s’agit souvent d’hommes de la cinquantaine. Ils ont une charge de famille, des responsabilités professionnelles. Ils ont l’impression de flancher une seconde fois », souligne Bénédicte Grégory. « Pourtant traverser des phases de grande anxiété voire d’angoisse de mort, de repli sur soi et de perte d’envie même pour des activités que l’on appréciait est fréquent après un bouleversement aussi important, complète Eve Hustaix. Le verbaliser peut éviter que cette souffrance psychique s’installe et se transforme en dépression ». Faisant ainsi le lit de la récidive tant redoutée.