Dangereux, inefficace… Avec 4 personnes sur 10 sceptiques quant aux bénéfices de la vaccination, la France est le pays le plus méfiant d’Europe. Un discours anti-vaccin qui se répercute sur la couverture vaccinale de la population. Alors pour rétablir la confiance, le ministère de la Santé a lancé une concertation citoyenne et professionnelle. Dans son rapport présenté ce mercredi et que Pourquoidocteur a pu se procurer, le comité d'orientation « conclut que la levée de l’obligation vaccinale est l’objectif à atteindre ». Mais avant d’y mettre fin, il faudra convaincre les Français « du bien-fondé de la vaccination ».
Pour y arriver, le comité d’orientation, présidé par le Pr Alain Fischer et Claude Rambaud, préconise « un élargissement temporaire du caractère obligatoire des vaccins recommandés de l’enfant, assorti d’une clause d’exemption et de leur gratuité ».
Autrement dit, certains vaccins aujourd’hui recommandés pourraient devenir obligatoires. Autre proposition phare, de nature à bien montrer l'engagement des pouvoirs publics, ces vaccinations devraient être prises en charge intégralement par l’Assurance maladie. Le comité espère ainsi améliorer la couverture vaccinale et redonner confiance aux Français dans la vaccination.
Et une fois l’adhésion de la population et des professionnels de santé acquise, « il devrait être possible de lever le statut obligatoire et fonder la vaccination sur la compréhension de son intérêt par tous tant à titre individuel que collectif », explique le comité.
Le vaccin anti-HPV pour les garçons
Autorisé en France depuis 2006, le Gardasil et le Cervarix, les deux vaccins contre les papillomavirus (HPV), sont recommandés chez les jeunes filles de 11 à 14 ans pour prévenir le cancer du col de l’utérus. Bien que son efficacité soit démontrée, les polémiques autour de ce vaccin ont jeté le discrédit.
A peine 14 % des patientes concernées par la vaccination ont reçu les injections. « Il s’agit là d’un échec d’une mesure de prévention », déplore le comité d’orientation. Aussi, pour améliorer la couverture vaccinale, le comité suggère « que le futur comité technique de vaccination de la Haute Autorité de Santé réexamine les indications et l’étendent aux jeunes garçons ». Dans le monde, seuls l’Australie, le Canada, les Etats-Unis et l’Autriche recommandent la vaccination des garçons.
Les professionnels de santé pourraient également voir leurs obligations vaccinales évoluer. En plus du vaccin contre l’hépatite B, déjà obligatoire, le comité propose d’ajouter un vaccin obligatoire contre la rougeole pour les professionnels de santé non immunisés, notamment en cas de résurgence épidémique. La vaccination contre la grippe, la coqueluche et la varicelle est également fortement recommandée.
Exigence de transparence
Mais la responsabilisation des citoyens doit s’accompagner d’une volonté de transparence des principaux acteurs concernés par la vaccination, juge le comité. Celle-ci passe d’abord par la publication des liens de conflits d’intérêts, et un accès facilité à ces déclarations. Elle implique également la diffusion d’informations scientifiques, notamment les événements secondaires et indésirables, via un site réfèrent unique.
Le site vaccination-info-service pourrait ainsi proposer une information complète et analyser les effets indésirables déclarés « afin d’éviter des interprétations erronés susceptibles d’alimenter à tord la défiance envers les vaccins ».
Le comité souligne par ailleurs, que « le statut obligatoire de certains vaccins impose un régime d’indemnisation des effets indésirables » par l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).
Dans cet effort de communication et d’éducation, le rapport préconise de diversifier les lieux de vaccination et fait une place à l’école. Le comité reconnaît qu’il manque aujourd’hui des médecins et des infirmières scolaires pour y avoir recours mais il estime qu’il est possible de confier la vaccination à des professionnels extérieurs à l’établissement. De même, il salue la récente autorisation de la vaccination antigrippale en pharmacie et se prononce en faveur d’une pratique facilitée de la vaccination par les infirmières et les sages-femmes.
Enfin, pour réaffirmer les bénéfices des politiques vaccinales, le comité soulève la nécessité de « rétablir un discours susceptible d’être entendu, fondé sur des arguments probants, de portée internationale et qui visent l’intérêt commun ».
Aussi, il propose que la vaccination soit déclarée comme grande cause nationale. Une démarche qui contribuerait à « montrer l’engagement des pouvoirs publics, qui doivent réinvestir le discours sur la vaccination aujourd’hui essentiellement laissé aux opposants », affirme le comité.