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Etude sur les enfants

La télé avant le coucher perturbe le sommeil

Par Mathias Germain

Plus un enfant passe du temps devant un écran, plus il a du mal à s'endormir. Selon des chercheurs néo-zélandais, c'est d'autant plus vrai lors des 90 minutes qui précèdent le coucher. 

ANGOT/SIPA

Un dernier épisode de dessin animé pour les enfants avant d’aller au lit ? Mieux vaut les laisser faire des acrobaties sur le canapé ou leur lire un conte fée… car les écrans nuisent à l’endormissement des enfants.
Une nouvelle étude enfonce le clou. Des chercheurs néo-zélandais se sont intéressés aux activités des enfants au cours des 90 minutes avant d’aller se coucher et à la qualité de leur sommeil (in Pediatrics) Pour cela, ils ont enquêté auprès de deux milles enfants et adolescents. Résultat : regarder la télévision est l’activité principale pour 48% des jeunes à ce moment de la journée, avant même de mettre son pyjama (41%) ou de se brosser les dents (41%). Et sur les 90 minutes précédant le couchage, en moyenne une bonne demi-heure est consacrée aux écrans de la télévision, de l’ordinateur ou des consoles de jeux…
Les chercheurs ont également constaté que ceux qui passaient plus de temps devant les écrans, mettaient aussi plus de temps que les autres à trouver le sommeil.  Un résultat qui n’étonne pas Sylvie Royant-Parola, psychiatre et responsable d’un centre d’exploration du sommeil à la clinique de Garches. « De nombreuses études ont été menées sur l’impact négatif de la télévision lorsqu’elle est regardée trop tard le soir, explique la spécialiste et président du réseau Morphée en Ile-de-France. Avec une exposition d’au moins 3 heures par jour vers 14 ou 16 ans, il y a un risque d’apparition de troubles du sommeil dans les années qui suivent ».
Par conséquent, le temps de sommeil diminue et les résultats scolaires aussi. Mais bonne nouvelle, si le temps passé devant la télévision diminue pour atteindre une heure ou moins, le risque de troubles du sommeil se réduit. « Une autre enquête, réalisée sur 2 546 garçons et filles de 13 à 16 ans, montre que les jeunes qui ont une télévision dans leur chambre, vont se coucher plus tard le week-end et les jours d’école, rapporte le Dr Sylvie Royant-Parola. Les mêmes effets sont constatés avec les jeux vidéo ou devant un ordinateur. Ce type d’activités n’est pas structuré, sans début et sans fin clairement définis, elles prennent beaucoup de temps, favorisent la sédentarité, elle-même connue pour déstructurer le sommeil ».

Ecouter le Pr Patrick Lévy, spécialiste du sommeil au CHU de Grenoble, « ces résultats doivent être pris en compte par les parents dans l’éducation des enfants ».
 

Au-delà du constat, comment s’explique ces perturbations dues aux écrans ? Dans l’étude plubliée dans Pediatrics, les auteurs avancent trois hypothèses. Premièrement le décalage de phase. Si les enfants passent l’heure à laquelle ils sont biologiquement programmés pour s’endormir cela pose un problème pour l’endormissement ou la qualité du sommeil.

Deuxième explication avancée par les auteurs, c’est la dépression de mélatonine. En effet, l’exposition à la lumière de l’écran juste avant le sommeil affecterait le rythme veille/sommeil en supprimant la sécrétion de mélatonine. « Un laboratoire de recherche suisse, qui travaille depuis plus de 30 ans sur les rythmes biologiques, a fait des travaux sur le sujet, rappelle Sylvie Royant-Parola. Certaines lumières stimulent encore plus le niveau d’éveil et les performances, la mémorisation ».
Pour toutes ces fonctions, la lumière bleue est toujours plus efficace que la lumière verte ou la lumière violette. La température de la lumière intervient aussi. On distingue des lumières « chaudes » ou des lumières « froides ».  Ces dernières même pour une intensité lumineuse faible  ont un effet bloquant plus marqué sur la mélatonine, augment plus la vigilance et donnent un confort visuel plus important que les lampes plus « chaudes ».

Les écrans LED perturbent la mélatonine

« L’équipe de chercheurs suisses a comparé les effets d’un écran d’ordinateur équipé d’un éclairage par diodes (LED), une technologie de plus en plus fréquemment proposée pour éclairer les écrans, à ceux  d’un écran non LED. Il s’avère que ces écrans LED ont une longueur d’onde autour de 460 nm, c’est-à-dire dans le spectre des bleus. Les sujets de l’expérience, des hommes de 19 à 35 ans sont restés à 60 cm d’écrans de 24’’ pendant 5 heures le soir. Ils n’avaient pas d’activité sur l’ordinateur mais devaient répondre à des tests de vigilance et d’attention entrecoupés par des périodes de pause et de détente (dont une vidéo relaxante de 20 mn). Chaque sujet  refaisait la même expérience mais sur l’autre écran une semaine plus tard.  Pour ceux qui sont soumis aux écrans LED, il y a une franche suppression de la mélatonine, une diminution des indicateurs de la somnolence et globalement une augmentation de l’attention et des performances lors des tests pratiqués.

La dernière hypothèse avancée par les auteurs de l'étude dans la revue Pediatrics, est plus comportementale : l’endormissement est perturbé car l’enfant a été particulièrement stimulé par les tâches cognitives qu’il a à faire sur l’écran.

Ecouter le Pr Patrick Levy, « Le sommeil nécessite une transition, un sas, qui n’est pas favorisé par les écrans. »
 

Quelle que soit l’explication, pour les spécialistes, ces résultats renforcent la nécessité d’informer sur les risques pour le sommeil, et la santé, de l’utilisation des écrans  le soir (insomnie, dépression, troubles métaboliques). « Les jeunes ont déjà une propension biologique à retarder leur rythme et,  avec ces nouvelles interfaces, le décalage de phase risque d’être encore majoré, explique Sylvie Royant-Parola. En particulier la population la plus à risque est celle des adolescents qui le soir multiplient les activités de loisirs ou de travail, sur ordinateur ».