Le baclofène a été mis sur le devant de la scène en 2008, lors de la publication du livre-témoignage* d’Olivier Ameisen. Le cardiologue y expliquait comment un médicament prescrit pour son action myorelaxante, pris à haute dose, lui avait permis de décrocher de l’alcool. Depuis, des dizaines de milliers de patients alcoolo-dépendants se sont vu prescrire du baclofène. Mais l’efficacité réelle du médicament divise toujours les scientifiques. L’étude néerlandaise, relayée par Sciences et Avenir, risque une fois de plus de relancer le débat.
Menée sur 151 patients, répartis en trois groupes, ces travaux, publiés dans la revue médicale European Neuropsychopharmacology, ont évalué l’efficacité du baclofène contre placebo. Et les résultats montrent qu’à faible ou haute dose, le baclofène ne fait pas mieux qu’un placebo. Le taux de rechute après 16 semaines de traitement était similaire dans les trois groupes.
Des conclusions qui contredisent un essai mené en Allemagne et publié en août 2015. Les chercheurs ont une explication à cela : les patients allemands n’avaient reçu que du baclofène ou un placebo, alors que dans leurs travaux, les trois groupes de patients ont bénéficié d’un suivi psychosocial. Pour Reinout Wiers, psychologue à l’université d’Amsterdam, qui a dirigé cette étude, le baclofène ne ferait donc pas mieux qu’un « traitement psychosocial ». Et selon lui, il serait donc prématuré de prescrire ce médicament « à grande échelle » aux patients alcoolo-dépendant, « comme c’est actuellement le cas en France », souligne ce spécialiste des addictions.
Sous l’impulsion d’Olivier Ameisen, d’associations de patients et d’addictologues, des médecins français ont accepté de prescrire le baclofène « hors AMM » pendant plusieurs années. En 2014, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a décidé de fixer un cadre légal, et une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) a été délivrée au baclofène. Dans le même temps, deux essais cliniques ont été lancés pour évaluer les effets de la molécule sur l’alcoolo-dépendance.
Les premiers résultats des études Bacloville et Alpadir ont été publiés en septembre 2016. Les auteurs ont souligné une efficacité sur la réduction de la consommation, obtenue pour près de 6 patients sur 10 après un an sous médicament dans l’essai Bacloville. Mais seuls 11,9 % des sevrés sous baclofène ne consomment plus d’alcool, alors qu’ils sont 10,5 % dans le groupe placebo. Une différence trop restreinte, ont fait valoir certains spécialistes, pour que le baclofène soit considéré comme efficace dans le sevrage. Point de vue qui sera sans doute renforcé par les résultats néerlandais, et qui pourrait bien compromettre la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché du baclofène pour le traitement de l’alcoolo-dépendance. Or, la RTU prendra fin en 2017.