La réalité virtuelle et les jeux vidéo pourraient soulager les douleurs fantômes chez les personnes amputées, suggère une étude publiée dans le journal scientifique The Lancet.
Sentiment de brûlures, de crampes ou de contractures musculaires… Les douleurs fantômes, appelées aussi algohallucinoses, touchent près de trois-quarts des patients amputés après l’opération. Chez un tiers d’entre eux, ces douleurs peuvent devenir chroniques et résistantes aux antidouleurs. Ces sensations viennent d’un dysfonctionnement cérébral. Même des années après l’opération, le cerveau ne comprend pas pourquoi il ne reçoit plus de signal nerveux de la part du membre absent. La région cérébrale associée est donc toujours active, ce qui provoquerait la douleur.
Dès lors berner le cerveau pour lui faire croire que le membre absent est toujours là permettrait d’atténuer ces douleurs, a supposé dès les années 1990 un neurologue américain. Ce dernier a alors imaginé la thérapie du miroir. Le patient amputé regarde dans un miroir son membre toujours intact et le fait bouger. Le cerveau croit alors qu’il s’agit du membre amputé et le tour est joué. Seul défaut de cette thérapie : les personnes amputés des deux bras ou des deux jambes ne peuvent en bénéficier.
La thérapie du miroir 2.0
Les chercheurs suédois de l’université technologique Chalmers ont alors mis au point une thérapie fondée sur la réalité virtuelle et les jeux vidéo qui surpasse aisément cet obstacle. Pour évaluer son efficacité, les scientifiques ont étudié 14 personnes amputées d’un bras depuis 2 à 36 ans, et souffrant de douleurs fantômes depuis l’opération.
Les participants étaient assis face à un écran d’ordinateur, une télévision et une caméra. Des captures fixés au niveau de leur moignon permettaient d’enregistrer l’activité musculaire du bras absent. Les signaux électriques étaient ensuite décodés par l’ordinateur qui projetait à l’écran le membre amputé.
Au total 12 sessions divisées en 3 exercices différents ont été réalisés. Dans le premier, les volontaires devaient seulement bouger leur bras virtuel à l’écran. Il leur a ensuite été demandé de conduire une voiture de course avec leur bras absent et enfin de reproduire les gestes présentés à l’écran par un bras virtuel. (voir la vidéo ci dessous)
Moins d'antalgiques
A l’issue de ces sessions, les volontaires ont rapporté que l’intensité des douleurs ainsi que leur fréquence avaient diminué de moitié. La fréquence des sensations désagréables dans la nuit ou lors d’activité en journée a elle aussi régressé. Mieux, les bénéfices de la thérapie par réalité virtuelle se sont ancrés dans le temps. Six mois après, la moitié des participants avait divisé par deux leur consommation d’antalgiques.
« Les résultats de notre étude suggèrent qu’il serait utile de « bouger » le membre fantôme. Notre traitement offre une piste prometteuse pour le faire, et apporte une thérapie non-invasive et non-pharmacologique pour réduire des douleurs chronique, et ce sans effets secondaires », se réjouit le Pr Max Ortiz Catalan, le responsable des travaux.
Les chercheurs espèrent maintenant pouvoir conduire une étude de plus grande envergure contre placebo pour confirmer les bienfaits de la réalité virtuelle dans le traitement des douleurs du membre fantôme.