De la lumière contre Alzheimer ! Il ne s’agit pas de recourir à la luminothérapie mais à une approche plus récente et plus complexe : l’optogénétique. Cette technique consiste à modifier l’activité des neurones à l’aide d’une lumière bleue directement reliée au cerveau. Et rétablir une activité électrique normale pourrait s’avérer efficace dans la maladie d’Alzheimer, à en croire une étude parue dans Nature. Menée par la Massachussetts Institute of Technology (Etats-Unis) et sur des souris, elle montre que la protéine bêta-amyloïde – principal marqueur de la pathologie – est liée à une fréquence précise d’ondes dans le cerveau, les ondes gamma.
Une activité cérébrale perturbée
Les animaux utilisés pour ces travaux ont été modifiés pour exprimer des signes proches de l’Alzheimer humain. Dans leur cerveau, les protéines bêta-amyloïde s’accumulent progressivement. Toxiques pour les cellules neuronales, elles affectent de plus en plus le fonctionnement de l’organe. Cette caractéristique a poussé les auteurs de cette étude à s’intéresser à un phénomène précis : l'activité électrique des neurones. Plus précisément les ondes gamma, impliquées dans les processus d’apprentissage et de création.
A l’état normal, les réseaux de neurones agissent de manière synchronisée, provoquant des ondes électriques. Celles nommées gamma correspondent à une fourchette de 25 à 65 Hertz. Des travaux précédents ont montré que dans la maladie d’Alzheimer, ces ondes étaient perturbées. L’analyse de l’activité neuronale des souris l’a confirmé : un déclin des ondes gamma se produit avant l’accumulation de protéines bêta-amyloïdes, qui s’agrègent ensuite sous forme de plaques.
24 heures d’efficacité
Cette anomalie attestée, l’équipe du MIT a tenté de la corriger. Ils ont pour cela fait appel à l’optogénétique (voir encadré). La lumière est dirigée directement vers l’hippocampe, zone clé du cerveau pour la mémorisation. Ce premier essai est un succès : les ondes gamma reviennent à la normale et le système immunitaire cérébrale reprend son activité de nettoyage.
Mais l’optogénétique est bien trop invasive pour envisager une application chez l’être humain. Les chercheurs se sont donc attelés à trouver une alternative. Celle-ci se présente sous la forme de LED assemblées en bandeau, qui formeront un stimulus externe en clignotant à la fréquence souhaitée.
Un premier groupe de souris a subi les tests. La bêta-amyloïde est présente en excès, mais ne forme pas encore d’agrégats. Une heure d’exposition aux LED suffit pour diviser par deux le taux de protéines. Mais après une journée, elles reviennent à leur niveau initial.
Un gros « si »
Le deuxième groupe de souris présente des symptômes plus sévères : des plaques de bêta-amyloïde se sont formées dans le cerveau. Elles ont donc été exposées pendant une semaine aux LED. Au terme du traitement, les plaques se sont réduites. Les microglies, inflammées chez les patients d’Alzheimer, sont de nouveau fonctionnelles. Ces cellules sont chargées d’assurer l’immunité du cerveau. Après la séance d’optogénétique, non seulement elles ne sécrètent plus de substances toxiques, mais elles reprennent en plus leur rôle, et détruisent la bêta-amyloïde.
Voilà qui semble prometteur pour les millions de patients qui souffrent de la pathologie. « Si les humains réagissent au traitement de la même façon que les souris, je dirais que son potentiel est énorme », estime Li-Huei Tsai, qui signe l’étude. Mais il s’agit d’un gros « si », selon son propre aveu. De fait, Alzheimer est très difficile à modéliser et les souris sont loin d’être un modèle parfait, bien qu’il soit le plus proche.
L’optogénétique, un fibre optique dans le cerveau
L’optogénétique est un domaine très récent dans la recherche. Elle prend appui sur la rhodopsine-canal2, sensible à la lumière bleue. Cette protéine est introduite dans les neurones, qui peuvent alors être activés. La lumière, elle, est apportée à l’aide d’une fibre optique reliée au cerveau. Il est alors possible d’agir sur l’expression des neurones et modifier certains comportements. La technique est surtout utilisée pour identifier les réseaux neuronaux. Mais des applications pratiques sont d’ores et déjà envisagées. Selon l’Inserm, des personnes rendues aveugles par une rétinopathie pigmentaire pourraient retrouver la vue. L’optogénétique réactiverait en effet les cellules rétiniennes restantes mais dormantes.