Le psoriasis est une maladie inflammatoire fréquente qui reste cependant mal connue du grand public. Elle peut se déclencher à tout âge, y compris à l'adolescence, une période particulièrement délicate, durant laquelle le rapport au corps et au regard de l'autre évolue. A l'occasion des Journées dermatologiques de Paris, Pourquoidocteur a interrogé le Pr Hervé Bachelez, dermatologue au CHU Saint-Louis Lariboisière (Paris). Pour ce spécialiste, l'important est de bien informer le jeune malade et son entourage sur la nature de cette maladie, afin d'éviter un mal-être chez l'ado, et des réactions de rejet.
Est-ce que l'adolescence est un moment charnière pour le développement du psoriasis ?
Hervé Bachelez : La majorité des cas se déclenchent avant 40 ans, et parmi eux, entre 25 et 30 % des cas se développent avant 18 ans, donc c'est effectivement un moment charnière. C'est aussi un moment particulièrement sensible, car les adolescents sont fortement sujets à la dépression [le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents, ndlr], et le psoriasis peut être difficile à assumer, donc il faut être vigilant.
Justement, pour les parents qui s'inquiètent : comment bien encadrer un adolescent malade ?
Hervé Bachelez : L'important est de bien communiquer avec l'entourage de l'adolescent – ce qui ne se résume pas à la famille, mais aussi à l'école par exemple – et de faire en sorte que tout le monde ait une bonne perception de la maladie : ce n'est pas contagieux, ce n'est pas sale, etc. Ce sont des messages importants qui permettront à l'adolescent de mieux assumer le psoriasis.
Est-ce qu'une prise en charge psychologique peut être utile ?
Hervé Bachelez : Une approche psychologique est pertinente (mais absolument pas obligatoire) si elle vient compléter le traitement médical. Si le psoriasis est une maladie sensible au stress, c'est bien avant toute chose une maladie qui naît de la peau ! Il y a un rejet de la maladie au moment de l'adolescence qui peut se traduire par une irrégularité dans la prise du traitement, donc celui-ci doit être le plus simple et le plus efficace possible.
Existe-t-il des traitements spécifiques ou au contraire déconseillés aux adolescents ?
Hervé Bachelez : La quasi totalité des traitements sont possibles chez l'adolescent. Il faut néanmoins être prudent sur l'utilisation de certains corticoïdes par voie locale, parce qu'il peut y avoir un développement de vergetures, au niveau des aisselles et des cuisses. Il ne faut donc pas utiliser les dermocorticoïdes de manière trop prolongée. Dès que le psoriasis dépasse 10 % de la surface du corps, il ne faut pas hésiter à passer à des traitements adultes classiques comme la photothérapie, ou l'acitrétine (vendue sous le nom Soriatane), qui sont très bien tolérés par les ados.
Est-ce qu'un adolescent qui développe un psoriasis sera malade toute sa vie ?
Hervé Bachelez : On ne peut pas savoir à l'avance si la maladie va perdurer. Mais plus un psoriasis est diffus et commence tôt, et plus il y a de risque qu'il devienne chronique.
Et si un des enfants est touché, est-ce que ses frères et sœurs vont aussi le développer ?
Hervé Bachelez : Concernant l'hérédité, le psoriasis est une maladie génétique : si un des parents est atteint, les enfants ont 15 % de risque de développer la maladie, contre 2-3 % en général dans la société. Et si un frère ou une sœur est atteint, alors il y a un risque de l'ordre de 10 à 12 % que les autres membres de la fratrie développent à leur tour un psoriasis. Mais il faut bien insister sur une chose : le psoriasis est l'œuvre d'une génétique complexe et n'est pas automatique.