La morphine va-t-elle céder sa place dans les hôpitaux ? L’Institut Gustave-Roussy (Villejuif, Val-de-Marne) a en tout cas trouvé une alternative moins addictive. Il s’agit d’une protéine naturellement produite par l’organisme. Sa forme stabilisée en laboratoire est très efficace contre la douleur. Les chercheurs l’expliquent dans la revue Anesthesiology, où paraît leur étude, menée sur la souris.
Une action ciblée
Les animaux été opérés puis ont reçu, par injection, de l’opiorphine ou sa version stabilisée, STR-324. Les résultats ont été comparés à ceux de la morphine. Cet antalgique est bien connu pour sa puissance. Mais il produit aussi un effet d’accoutumance qui nécessite d’augmenter régulièrement les doses. Or, le médicament est hautement addictif… et accroît fortement le risque de troubles respiratoires, du sommeil, du transit. Des effets secondaires lourds dont les médecins souhaiteraient se débarrasser.
Le nœud du problème réside dans le mécanisme même de la morphine. La molécule se fixe aux récepteurs opioïdes. Elle affecte donc tous les organes qui en possèdent. C’est ce qui explique les effets secondaires variés. Une piste alternative a été esquissée par une première équipe de l’Inserm. Elle a montré que l’opiorphine fonctionne de manière plus ciblée. Le peptide bloque la dégradation des enképhalines, surnommées la morphine naturelle. Il n’agit donc que sur les sites où la douleur est présente. Mais son principal argument, c’est l’absence d’effets secondaires.
Pas d’effets secondaires
Les souris ont reçu pendant sept jours une transfusion d’opiorphine ou de STR-324. Les deux solutions « étaient sans effet sur la pression artérielle et sur la dépression respiratoire, tout en ayant les mêmes propriétés analgésiques » que la morphine, explique le Dr Philippe Sitbon, premier auteur de l’étude.
Les avantages de la morphine, sans les inconvénients, voilà qui semble prometteur. Avant une utilisation en clinique, le long processus des essais doit se dérouler. A la fin de l’année 2017, des tests chez l’homme devraient démarrer, annonce l’Institut Gustave-Roussy. Le domaine d’application pourrait être plus large que les douleurs post-opératoires. Les chercheurs envisagent de recourir au traitement dans les douleurs neuropathiques. Elles sont, en effet, très difficiles à soigner. Les antalgiques classiques les apaisent difficilement.