Un vrai dialogue de sourds… 250 000 personnes vivent avec une polyarthrite rhumatoïde en France. Cette maladie chronique suppose un suivi à long terme, avec plusieurs intervenants. Mais seuls 17 % des patients estiment avoir bénéficié d’une prise en charge dite globale. C’est ce que montre un sondage Harris Poll (1) présenté au congrès de la Société Française de Rhumatologie, qui se tient au Palais des Congrès de la Porte Maillot (Paris). Un avis qui n’est pas partagé par les professionnels de santé : la moitié des rhumatologues estiment avoir proposé un suivi adapté et pluridisciplinaire.
Des attentes différentes
Le décalage n’est pas mince entre les patients et leurs soignants. Il s’apparente plus à un fossé. Outre la prise en charge, les malades n’ont pas le même ressenti concernant l’impact de la polyarthrite rhumatoïde sur le mental. « On le remarque régulièrement, confirme Sandrine Rollot, directrice adjointe de l’Association française des polyarthritiques (AFPric). Dans une enquête, 55 % des patients estiment que ce n’est pas pris en compte alors que 95 % des rhumatologues disent s’en préoccuper. » Le problème a plusieurs sources, à commencer par les priorités de ces deux intervenants.
L’étude EPOC, présentée au congrès de la Ligue européenne contre les rhumatismes (EULAR) en juillet dernier, témoigne bien du décalage qui peut se créer. Les patients placent en priorité leur qualité de vie, quitte à faire l’impasse sur les traitements. Les médecins, eux, ne partagent pas forcément ce point de vue. « La préoccupation principale du médecin est le contrôle de la maladie, illustre Cyrielle Belle, chargée de communication à l’AFPric. Le patient se soucie plus de son bien-être au quotidien. » La prise en compte des effets indésirables peut donc varier en fonction de l’intervenant.
Parler le même langage
Si le dialogue passe mal, c’est aussi parce que les malades ont tendance à garder le silence. Cette enquête le confirme : 77 % d’entre eux sont mal à l’aise à l’idée d’évoquer leurs inquiétudes avec leur médecin. Dans quatre cas sur dix, c’est parce qu’ils craignent de passer pour des patients difficiles. Et ce alors même que professionnels et malades s’accordent à dire que la communication est correcte. « On essaie de vérifier qu’on parle le même langage, souligne Laure Gossec, rhumatologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. On tente aussi de mieux comprendre ce que les patients attendent. » D’ailleurs, 70 % des spécialistes sont prêts à prêter une oreille plus attentive à leurs patients.
La solution pourrait venir de l’éducation thérapeutique. Depuis 2007, la Haute Autorité de Santé reconnaît son intérêt dans le suivi de la polyarthrite rhumatoïde. Ce dispositif est censé aider les patients à appréhender les clés de leur maladie, gérer les symptômes y compris par une modification de l’hygiène de vie. « C’est très utile », reconnaît Laure Gossec, qui pointe deux problèmes majeurs. « Ce n’est pas proposé partout et l’ETP est souvent séparée des soins. »
Le système n’est pas parfait. Mais il a le mérite d’exister, et de se développer. L’université Pierre et Marie Curie, à Paris, a récemment créé l’université des patients. Dirigée par Catherine Tourette-Turgis, spécialisée dans l’éducation thérapeutique, elle forme des patients experts. « J’ai formé plusieurs personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde. Quand ils sont formés, ils comprennent mieux la psychologie des soignants », explique-t-elle. La PR fait figure d’exemple en la matière. Il faut maintenant en tirer les leçons et élargir le dispositif aux autres maladies chroniques. Car le dialogue fait défaut dans d’autres domaines.
(1) Sondage Harris Poll pour le laboratoire Pfizer (enquête RA NarRAtive), réalisé sur Internet auprès de plus de 1 700 rhumatologues et de 3 900 personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde dans 15 pays, dont la France.