C'est une décision unique sur le plan législatif. Le Royaume-Uni est devenu ce jeudi le premier pays à autoriser la conception de bébés à partir de l'ADN de trois « parents ». La technique à visée thérapeutique reste controversée, notamment pour des raisons éthiques.
Le comité d'éthique britannique vient donc de donner son vert. C'était l'ultime condition avant l'utilisation en clinique de cette technique consistant à combiner les ADN de deux femmes et d'un homme pour éviter la transmission d'une maladie héréditaire maternelle.
3 000 couples concernés
« Nous avons pris une décision historique et mûrement réfléchie. Les familles concernées ont enfin une chance d'avoir un enfant en bonne santé », a déclaré à l'Agence France Presse (AFP) Sally Cheshire, présidente de l'Autorité de régulation de l'assistance médicale à la procréation et à la recherche en embryologie (HFEA). « C'est un feu vert prudent », a-t-elle cependant ajouté, alors que cette technique de fécondation in vitro avec « remplacement mitochondrial » continue à diviser.
Ses défenseurs estiment qu'elle permettra aux couples concernés, dont le nombre est estimé à 3 000 au Royaume-Uni, de donner naissance à des enfants en meilleure santé. Pour ses détracteurs, la technique n'est pas encore suffisamment mûre et va trop loin en matière de modification génétique en ouvrant la boîte de Pandore de la sélection des bébés.
Les couples étrangers sont les bienvenus
Désormais validée, la technique devrait être utilisée dans un premier temps sur environ 25 couples et un premier bébé pourrait naître dès fin 2017. « Les années suivantes, 200 couples pourraient être concernés tous les ans. Ceux venus de l'étranger sont les bienvenus », a indiqué Sally Cheshire à l'AFP. « Maintenant, nous avons besoin de donneurs d'ovules », a rappelé pour sa part le Pr Mary Herbert, de l'Université de Newcastle (Angleterre), qui a développé la technique expérimentale.
Environ 125 bébés naissent chaque année en Grande-Bretagne avec un dysfonctionnement mitochondrial. Les mitochondries sont des petites structures à l'intérieur des cellules qui jouent un rôle de « centrale énergétique » en transformant le sucre et l'oxygène en énergie. Le premier bébé conçu grâce à cette nouvelle technique est né en avril dernier au Mexique, pays où il n'existe aucune règle sur la question.
En quoi consiste la technique
Tandis que l'ADN nucléaire est transmis par les deux parents, l'ADN mitochondrial (ADNmt) n'est hérité que de la mère. Certaines femmes présentent des mutations génétiques de cet ADNmt qui, si elles sont transmises à leurs enfants, peuvent provoquer diverses maladies parfois incurables, comme le syndrome de Leigh. La fécondation in vitro avec « remplacement mitochondrial » peut alors apparaître comme une solution. Leur ADN nucléaire est extrait de leurs ovules et introduit, avec le sperme du père, dans l'ovule sans noyau de la donneuse qui a un ADNmt sain.
Le futur enfant sera porteur de toutes les caractéristiques génétiques de son père et de sa mère puisque l'ADNmt représente moins d'1 % de la quantité totale d'ADN contenue dans une cellule humaine. Mais le changement sera permanent et se transmettra de génération en génération. Ce dernier élément est justement au coeur des accusations d'eugénisme. Pourtant, la technique n'est pas infaillible. Lors des expériences en laboratoire, il est arrivé que l'ADNmt porteur des mutations refasse surface et vienne compromettre l'efficacité du traitement. « On n'est qu'au début d'un long chemin », a conclu Sally Cheshire, présidente de l'Autorité de régulation de l'assistance médicale à la procréation et à la recherche en embryologie (HFEA).