La science a-t-elle percé le mystère de la fontaine de Jouvence ? A en croire des travaux publiés dans Cell, la recherche avance à grands pas. Des chercheurs américains ont, en effet, réussi à rajeunir de vieilles souris en reprogrammant leurs cellules. Une technique révolutionnaire qui est encore loin d’être utilisable chez l’Homme.
Pour réaliser cette prouesse, les scientifiques du Salk Institute ont étudié des souris porteuses d’une mutation génétique responsable d’un vieillissement prématuré. La durée de vie de ces cobayes est d’environ 18 semaines, contre 3 ans pour des souris normales. Mais ces souris transgéniques ont pu vivre jusqu’à 24 semaines grâce à la technique inédite des chercheurs.
« Nous n’avons pas corrigé la mutation responsable du vieillissement prématuré, précise Juan Carlos Izpisua Belmonte, professeur de génétique au Salk Institute et co-auteur de l'étude. Nous avons altéré le vieillissement en intervenant sur l’épigénome, ce qui suggère que c'est un processus plastique et malléable ».
L’épigénome correspond à l’ensemble des molécules qui agissent sur la séquence d’ADN sans provoquer de mutation. Ces groupes moléculaires modulent l’expression génétique en activant ou inhibant certains gènes, et ce, sans altérer le patrimoine génétique. Son action explique notamment pourquoi des jumeaux ne sont jamais parfaitement identiques ou des cellules de poumon et de foie sont si différentes.
Des organes plus jeunes
C’est la première fois que des chercheurs réussissent à allonger l’espérance de vie de souris en jouant sur ces marques épigénétiques. Jusqu'alors, les essais menés sur ces animaux se soldaient soit par la mort des cobayes, soit l’apparition de tumeurs. Des conséquences non observées dans cette expérience, qui a utilisé les techniques de reprogrammation cellulaire du Pr Shinya Yamanaka, de l’université de Kyoto (Japon). Celle-ci permet de transformer une cellule adulte, déjà différenciée comme une cellule de peau, en un cellule pluripotente capable de donner n’importe quel autre type cellulaire. Un retour en arrière induit et forcé par un cocktail de molécules qui prend entre 2 et 3 semaines.
Les chercheurs ont, quant à eux, cultivé des cellules pendant seulement 2 à 4 jours. Aussi, ces cellules ne sont-elles pas retournées à leur état de cellules pluripotentes. Une cellule de peau est restée une cellule de peau, mais rajeunie. Les signes de vieillesse ont en effet quasiment disparu et certains organes des souris, comme la peau, le cœur ou les reins, se sont améliorés. « Au cours du vieillissement, les marques épigénétiques s’accumulent, s’estompent, sont modifiées… C’est clair que l’épigénome évolue alors que nous prenons de l’âge », relève Alejandro Campo, co-auteur de l’étude.
La technique a également été testée chez des souris atteintes de lésions à certains organes. La reprogrammation partielle a là aussi présenté des bénéfices : les cellules musculaires et les cellules bêta du pancréas, productrices d’insuline, se sont réparées. Maintenant, « nous avons besoin de revenir très en arrière pour identifier les marques épigénétiques qui changent et celles qui contribuent au processus du vieillissement », indique Juan Carlos Izpisua Belmonte.