Certains veulent ouvrir la voie aux organismes génétiquement modifiés (OGM) car ils nous promettent bien des opportunités ; ceux-là appellent à intensifier la recherche, notamment pour éviter tous les écueils sanitaires et environnementaux qu’ils portent eux-mêmes. Encore faut-il que cette recherche soit fiable et indépendante… ce qui est loin d’être le cas.
Des chercheurs de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) se sont intéressés aux liens d’intérêt entre les recherches sur les plantes génétiquement modifiées et les principales industries qui développent et commercialisent ces plantes (Monsanto, Syngenta, Dow AgroSciences et DuPont Pioneer).
Publications favorables
Leur méta-analyse porte sur 672 articles publiés entre 1991 et 2015 dans des revues scientifiques à comité de lecture – un gage, théoriquement, de leur sérieux. Ces études se sont penchées sur l’efficacité ou la durabilité (maintien de cette efficacité dans le temps) des plantes OGM Bt. Ces plantes (notamment maïs, coton et soja) transgéniques produisent des protéines d'une bactérie, Bacillus thuringiensis, toxiques contre des insectes qui les infestent.
L’analyse de cette littérature montre que 40 % des publications sur ce sujet présentent un conflit d'intérêt financier : « les études présentées dans ces publications ont été menées ou financées, entièrement ou en partie, par les industries de biotechnologies qui développent et vendent ces plantes », précisent les auteurs dans un communiqué de l’Inra.
Plus gênant, encore : pour les publications présentant un conflit d’intérêt, les conclusions sont plus fréquemment favorables aux intérêts des industries semencières (+50 %) que pour celles sans conflit d’intérêt.
« Cette tendance générale se vérifie à l'échelle du chercheur », expliquent les auteurs. Ainsi, les conclusions des publications d'un même chercheur sur un même sujet sont en moyenne plus souvent favorables aux intérêts des industries de biotechnologies pour les publications présentant un conflit d'intérêt.
"Forte répercussion sociétale"
« Les analyses menées ne permettent pas de déterminer si les conflits d'intérêt financiers sont la cause de la plus grande fréquence de conclusions favorables aux intérêts des industries de biotechnologies », observent les chercheurs, prudents, qui soulignent toutefois que « l’effet causal des conflits d’intérêt sur les conclusions des publications scientifiques a été démontré dans d’autres domaines (tabac, énergie, pharmacologie) ».
Les auteurs de l’article encouragent les revues scientifiques à explicitement faire état des conflits d'intérêt financiers présents dans les études. Ils proposent également, pour éviter ces conflits, de mettre en place un fond de recherche qui, tout en étant financièrement abondé par les industries concernées, en serait indépendant lors du choix des études à financer.
« La société attend des chercheurs une production scientifique transparente et impartiale, particulièrement lorsque les sujets abordés ont, pour des raisons éthiques, économiques ou sanitaires, une forte répercussion sociétale. L’utilisation des plantes transgéniques fait partie de ces sujets, notamment au sein de l'Union Européenne », déclarent encore les auteurs.