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Paris, Bordeaux, Marseille...

Drogues : comment les villes françaises consomment

Par Marion Guérin

L’OFDT livre une analyse locale de la consommation de drogues dans plusieurs villes françaises.

Mood Board / Rex Featur/REX/SIPA
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Cela fait 16 ans que le dispositif « Tendances récentes et nouvelles drogues » (TREND) de l’OFDT (Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies) fournit de précieuses informations sur les habitudes de consommation des Français en matière de drogues.
Cette année, quelques grandes tendances se dégagent au niveau national : une concurrence de plus en plus exacerbée entre les réseaux de trafic, qui favorise d’autres modes d’approvisionnement (livraisons, SMS…) ; une augmentation des taux de THC dans le cannabis ; ou encore, la poursuite de l’essor de la MDMA, sous forme de cristal ou de comprimé.

Le 115e numéro de la revue Tendances fournit également une analyse locale de la situation dans plusieurs villes françaises, permettant de dégager quelques spécificités.

Paris : contrôle renforcé

A Paris, l’état d’urgence « a eu un impact sur les scènes de revente et d’usages de drogues », explique l’OFDT. Les contrôles d’usagers se sont renforcés, la pression policière s’est accrue. Pour autant, contrairement à ce que les consommateurs et les dealers craignaient, cela ne s’est pas traduit par une pénurie de marchandise.

En revanche, le renforcement des contrôles a eu pour effet de développer l’approvisionnement à domicile, ou dans des lieux définis par téléphone entre le consommateur et le revendeur. L’achat sur le lieu même de revente s’est marginalisé – au sein de la capitale, en tout cas. La situation diffère en proche banlieue, où les achats directs sur le lieu de revente sont plus fréquents.

Autre évolution : « l’inexorable expansion » du crack. « En 2015, l’accès au crack, du fait des pressions policières, n’est plus seulement cantonné au nord-est de la capitale. La mobilité des revendeurs (modous) touche des territoires jusqu’alors peu ou pas concernés par la revente de ce produit (nord-ouest, sud-ouest et sud-est de Paris). Un trafic se déploie principalement sur certaines lignes du métro », note l’OFDT. Cet élargissement de l’accès s’accompagne d’une diversification du profil des usagers.

Enfin, l’Observatoire rapporte parmi une frange de la communauté homosexuelle « un durcissement des pratiques » consistant à prendre des drogues lors de rapports sexuels (« chemsex »). Bien que le phénomène reste marginal, l’OFDT observe que le « slam » (injection de substances stimulantes dans ces occasions) semble plus répandu que les années précédentes. 

Bordeaux : l’autoproduction progresse

On observe également un développement de cette tendance parmi la communauté homosexuelle à Bordeaux, alors qu’elle était traditionnellement cantonnée aux grandes métropoles européennes (Paris, Londres, Berlin…). Désormais, le « chemsex » et le « slam » deviennent « une pratique observable tant dans l’agglomération bordelaise que dans des communes rurales ».

L’Observatoire note également l’existence d’un « détournement croissant des médicaments codéinés », qui ne se « limite plus aux populations précaires ». « Il en va ainsi du médiatisé « purple drank » ou « codé sprite », composé d’un sirop codéiné et quelquefois d’un antihistaminique pour contrer les effets secondaires de la codéine (nausées, démangeaisons) et d’un soda essentiellement consommé par un public « jeune et inséré ».

Concernant le cannabis, l’OFDT observe une augmentation de l’autoproduction. « L’Aquitaine, tant dans les zones urbaines que rurales, ne cesse de voir progresser les cultures d’herbe : les plantations sont de plus en plus nombreuses et vastes ». Elles se développent aussi bien en « outdoor » (bois, champs…) qu’en « indoor » (hangars agricoles, serres, appartements …).
 

Lille : violences en hausse

Cela n’atteint toutefois pas les proportions de Lille, où des « plantations industrielles de plusieurs centaines de pieds, voire parfois dépassant le millier, sont régulièrement découvertes par la police à Lille et ses environs, depuis 2012 ». La ville est caractérisée par une « profusion de réseaux criminels » et par une augmentation des violences liées au trafic. « Enlèvements, séquestration et tirs à l’arme lourde sont de plus en plus rapportés par la presse locale, mais également par la police », souligne l’OFDT.

Le milieu festif, qui a subi une période de berne en raison d’une politique municipale coercitive (« conditions de sécurité drastiques, horaires d’ouverture de plus en plus restreints, sentiment d’une volonté politique de sectorisation de la vie festive… »), semble se développer à nouveau. Du coup, à l’image du reste de la France, on observe à Lille un retour en force de la MDMA.

Par ailleurs, Lille reste l’une des villes où la disponibilité des drogues est la plus grande. Elle « constitue ainsi indéniablement un pôle d’attractivité en ce qui concerne l’accès à différents produits psychoactifs ». Les taux de pureté de la cocaïne y sont « en nette augmentation », avec certaines saisies atteignant les 90 % de pureté, ce qui constitue un problème potentiel de santé publique. « Les hypothèses avancées pour expliquer ce phénomène seraient liées à des arrivages plus directs de cocaïnes vers Lille par colis, ou via des voyages à l’étranger ». C’est également à Lille que l’on trouve l’héroïne la moins chère (20 € le gramme).

Marseille : nouveau profil d’usagers précaires

Dans la cité phocéenne, l’OFDT observe une tendance nouvelle : une porosité croissante entre espaces urbains et festifs. « Des espaces d’échanges se créent dans le centre-ville, entre les usagers de la rue et ceux de la scène festive alternative. Ces pratiques sont l’expression de la fréquentation des mêmes lieux de soins (CAARUD) et de vie (rue, squat, ...). (…) Ces phénomènes ne sont pas spécifiques à la ville de Marseille, mais touchent tout le département des Bouches-du-Rhône ».

Plus globalement, l’Observatoire rapporte l’émergence d’un nouveau profil d’usagers précaires, qui peuvent être liés à la situation migratoire. « En 2015, probablement dans le cadre des flux récents de réfugiés, les professionnels des centres de soins signalent la présence de personnes étrangères, victimes de traumatismes de guerre, ex-militaires, mercenaires ou simples civils, dépendantes à l’héroïne ou aux médicaments opiacés ».