Au XXIe siècle, aux Etats-Unis, la femme libre s’alcoolise à sa guise. Elle consomme sans honte, sans complexe, à l’image de l’homme, son égal. Elle a acquis ce droit en même temps que son émancipation progressive, alors que dans les pays riches se tourne la page d’un monde où elle était invitée à ne point trop s’enivrer, pour des raisons de « convenance ».
« Les femmes aux Etats-Unis boivent beaucoup, beaucoup plus que leurs mères et leurs grands-mères, et la consommation d’alcool les tue à des taux record », écrivent les auteurs d’une enquête du Washington Post consacrée à la consommation d’alcool chez les femmes américaines.
1 million de passage aux urgences
En 2013, plus d’un million d’entre elles ont effectué un passage aux urgences après avoir consommé une dose excessive d’alcool, a calculé le journal en se fondant sur des données des agences sanitaires fédérales. « Le nombre de décès liés à l’alcool a plus que doublé depuis 1999 parmi les femmes blanches âgées de 35 à 54 ans », une population particulièrement à risque selon le journal. Cette mortalité a représenté 8 % de l’ensemble des décès dans ce groupe en 2015.
Pourquoi une telle augmentation des indicateurs ? L’émancipation du genre féminin n’est pas la seule explication. « Les femmes américaines reçoivent des messages ambigus », affirment les auteurs de l’article, qui ont effectué une analyse du marketing de l’alcool.
Au cours des dernières décennies, celui-ci s’est concentré sur cette nouvelle cible émergente que constituent les femmes, avec des messages valorisant la consommation intense d’alcool, perçue, justement, comme émancipatoire. Le même phénomène a été observé avec le tabac, relate le quotidien.
Stratégies commerciales
Et les alcooliers visent juste. Ils appuient également leur message publicitaire sur le stress subi par la femme moderne – un stress que permet de supprimer l’alcool, momentanément au moins. L’analyse des stratégies commerciales du Washington Post montre que l’exposition à ce message est partout : dans les pub, les réseaux sociaux et, in fine, dans la croyance populaire.
Ces messages ont des effets bien documentés sur les comportements masculins comme féminins. Leur propension à augmenter la dose d’alcool ingérée par les populations exposées fait l’objet de multiples études. Selon les experts interrogés par le quotidien, le fait que les femmes soient les réceptrices de ces messages commerciaux pose problème, alors que certaines sont peut-être enceintes, et quand il semble que les consommations intensives occasionnent plus de dommages sur leur organisme, plus petit que celui des hommes.
Au niveau des institutions publiques, la volonté de protéger la population féminine, mais aussi masculine, des excès de l’alcool est elle-même paradoxale. « Une partie du gouvernement fédéral soutient toujours l’idée que boire un peu d’alcool peut être bon pour vous », explique le Post, qui cite une étude du National Institute of Health financée à hauteur de 100 millions de dollars pour démontrer les bienfaits d’une consommation modérée…