Depuis la Station Spatiale Internationale (ISS), Thomas Pesquet en prend plein les mirettes. Et il en fait profiter les internautes. Sur son compte Twitter, l’astronaute français publie régulièrement des photos à couper le souffle de notre planète. Un plaisir pour les yeux… qui n’est pas sans conséquence.
Depuis plusieurs années, chirurgiens et scientifiques de l’agence spatiale américaine (NASA) ont constaté un étrange phénomène chez les voyageurs de l’espace. Après une mission de longue durée, leur vision se dégrade. En cause, la microgravité. C’est ce qu’ont expliqué des radiologues de l’université de Miami (Etats-Unis) lors du Congrès de la société nord-américaine de radiologie (RSNA) qui se tenait du 21 novembre au 2 décembre à Chicago (Etats-Unis).
Le globe oculaire plus plat
Deux astronautes sur trois souffrent de troubles visuels à leur retour de l'ISS. Thomas Pesquet ne fait pas exception. « Moi qui ai une excellente vue sur Terre, je sens déjà qu’elle est en train de diminuer dans l’ISS », écrit-il ce 27 décembre dans son journal de bord. L’homme de 38 ans attribue cela à un afflux sanguin accru dans son crâne. « Cela crée une pression qui affecte les yeux », explique-t-il. Ce qui ne l'empêche pas d’immortaliser des paysages éblouissants.
La microgravité modifie la répartition des fluides dans l'organisme, et le haut du corps reçoit alors plus de sang que sur terre. L’afflux sanguin entre donc peut-être en ligne de compte, mais les chercheurs de Floride mettent en évidence un autre phénomène : la pression intracrânienne. Ils ont fait passer des IRM à 7 astronautes avant leur départ pour l’ISS. Une deuxième série d’examens a été réalisée à leur retour. Ces résultats ont été comparés à ceux de 9 cosmonautes partis en mission courte. La différence est très nette.
Un long voyage dans l’espace induit des changements structurels autour de l’œil. Le globe oculaire s’aplatit, le nerf optique est plus enflammé. Nombre d’astronautes « devront porter des lunettes à vie, alors qu'ils n'en portaient pas avant, soulignait récemment Jean-François Clervoy de l’Agence spatiale européenne. Cela vient d'une déformation de la géométrie du globe oculaire.
La pression monte
En fait, le liquide céphalo-rachidien s’accumule plus que nécessaire dans le crâne. Ce fluide, qu’on trouve dans le cerveau et la colonne vertébrale, accompagne les changements violents de pression dans l’organisme, lorsqu’on se lève rapidement par exemple. « Sur Terre, le LCR est conçu pour s’adapter à ces changements de pression ; mais dans l’espace, le système est perturbé par l’absence de changements de pression liés à la posture », résume Noah Alperin, qui a présenté l’étude. La microgravité, à l’œuvre dans l’ISS, n’y change rien.
C’est la pression du LCR qui provoquerait les déformations autour de l’œil. Et celles-ci ne sont pas toujours réversibles, rappelle Le Figaro : « En 2007, un astronaute a perdu plus de 30 % de son champ visuel sur un œil », confie au quotidien Bernard Comet, ancien médecin des astronautes français de 1983 à 2001. Le plus souvent, toutefois, cela se manifeste par une hypermétropie, qui gêne la vision de loin.
Les chercheurs américains soulignent qu’il est crucial de trouver la cause précise de ces modifications. Cela permettra à la NASA et aux autres agences spatiales de développer des contre-mesures adaptées, et ainsi protéger les équipes en mission de longue durée.