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Etude Inserm

Ampoules LED : un risque potentiel pour les yeux

Par Julian Prial

Les LED pourraient favoriser la DMLA, selon une étude française réalisée chez le rat. Certaines longueurs d'onde de ces ampoules seraient toxiques pour la rétine.

magneticmcc/epictura

Les ampoules LED, qui ont désormais remplacé les ampoules à incandescence (1), pourraient-elles être dangereuses pour la qualité de notre vision ? La question mérite d'être posée car, chez le rat, certaines de leurs longueurs d'onde s'avèrent toxiques pour la rétine.
C'est la conclusion d'une étude menée par des chercheurs français de l'Inserm (2). Cette équipe s'est intéressée tout particulièrement à l'impact phototoxique des rayons émis par ces dispositifs. Les scientifiques ont procédé en trois temps. Ils ont d'abord montré que, quel que soit le type d'ampoules utilisé, l’exposition à une forte intensité lumineuse (6000 lux) durant 24 heures altère la rétine de rats dont la pupille a été dilatée.

En revanche, en exposant durant 24 heures ces mêmes animaux à une intensité lumineuse similaire à celle habituellement utilisée dans les habitations (500 lux), seules les LED sont apparues néfastes. Avec ces dernières ampoules, la rétine des animaux montre moins de signes d'altération  mais similaires à ceux observés sous forte exposition. Ceci n’est pas le cas avec les autres types d'ampoules utilisés pour ces travaux.

La lumière bleue coupable 

Dans un communiqué de l'Inserm, Alicia Torriglia, qui a encadré l'essai avec le Pr Behar-Cohen, précise que « le recours à des rats dont la pupille a été dilatée permet d'amplifier les conséquences potentielles de la lumière, puisque la contraction de la pupille est un mécanisme physiologique de protection de l'œil contre l'agression lumineuse ». Il n'en reste pas moins qu'en l'absence de dilatation de la pupille, des rats albinos exposés à long terme à la lumière des LED (en continu durant une semaine ou un mois) montrent aussi une dégénérescence rétinienne. Enfin, même les rats non albinos, réputés pour être protégés de la dégénérescence photo-induite, présentent des signes de stress oxydant au niveau de leurs rétines

Derrière la phototoxicité des ampoules LED, une coupable : la lumière bleue. « La lumière blanche (...) combine (...) des rayons de différentes couleurs, chacune correspondant à une longueur d'onde spécifique », explique la chercheuse.
Or, chaque source de lumière - LED, tubes à fluorescence ou ampoules fluocompactes - combine différentes couleurs dans des proportions variables. Et c'est de la potentielle toxicité de chacune d'entre elles sur la rétine dont dépend à la fois de l'intensité de la lumière et des longueurs d'onde qui la compose. « Grâce à nos observations, nous avons montré que la lumière émise par les LED engendre deux phénomènes toxiques parallèles : l'apoptose, mais également une seconde forme de mort cellulaire, la nécrose. Or en se nécrosant, une cellule endommage ses voisines », détaille Alicia Torriglia.

 

La réponse des autorités sanitaires 

La question du risque sanitaire lié à ces ampoules se pose donc. En 2010, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a publié un premier rapport sur le sujet. Il pointait déjà la toxicité potentielle des lampes LED sur la rétine. « Les enfants sont particulièrement sensibles à ce risque », indiquaient alors les experts de l’Agence. « La lumière bleue pourrait également perturber les rythmes biologiques si l’exposition n’est pas adaptée », ajoutaient-ils.

Même s'il est probable que les observations faites chez le rat ne sont pas transposables à l'identique chez l'homme, les données de cette étude alertent, par ailleurs, sur d'autres risques. « Nos cellules possèdent des mécanismes de réparation qui permettent sans doute de corriger en partie les lésions induites par les LED. Mais nous avons un capital lumière, comme notre peau possède un capital soleil. On peut se demander si nos ampoules domestiques ne favorisent pas son épuisement précoce, et ainsi l'évolution vers la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) », s'inquiète l'équipe. Par principe de précaution, ces chercheurs appellent à une prochaine génération d'ampoules domestiques, dans laquelle la proportion de lumière bleue serait réduite.

Attention à l'effet cumulatif

Dans le cadre d'un essai dévoilé présenté cette semaine, 60 Millions de Consommateurs a évalué le potentiel toxique des dix lampes LED. En accord avec l'Anses, le laboratoire de l'association s'est appuyé sur une norme européenne dite de « sécurité photobiologique » qui compare le niveau de risque des lampes LED par rapport aux autres catégories de lampes. Selon les critères de cette norme, huit d’entre elles présentent un risque faible et deux sont exemptes de risque – les références Lexman 25 W et Diall 60 W. Une bonne nouvelle ?

Pas vraiment, car cette norme n’est pas forcément adaptée pour évaluer les LED. Elle ne prend pas en compte la sensibilité de certaines populations, les enfants par exemple. De plus, elle se base sur une exposition aiguë sur huit heures, alors que les risques sanitaires liés au LED résultent généralement d’expositions peu intenses mais répétées sur de longues durées, expliquait l’Anses dans son rapport de 2010. 
Enfin, 60 Millions pointe du doigt l'effet cumulatif, en rappelant que les écrans de smartphones, de tablettes... émettent aussi de la lumière bleue. « Or en laboratoire, il a été montré que, quand on est exposé à de la lumière bleue via différentes sources, l’effet est cumulatif », prévient le Pr Gilles Renard, directeur scientifique de la SFO (3).


(1) En 2005, la Commission européenne a imposé l'abandon des ampoules à incandescence, énergivores, et leur remplacement par des ampoules LED, plus économes.

(2) Unité 1138 Inserm/université Paris Descartes/Université Pierre et Marie Curie, Centre de recherche des Cordeliers, Paris

(3) Société Française d’ophtalmologie (SFO)