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Présidentielle 2017

Benoît Hamon : "Il n'y a pas de formule magique pour faire baisser nos dépenses de santé"

Par Bruno Martrette

Les sept candidats à la Primaire de la gauche répondent aux questions de santé de Pourquoidocteur. L'ancien ministre de l'Éducation nationale, Benoît Hamon, ouvre la série.

Bob Edme/AP/SIPA

Après le succès de la Primaire de la droite et du centre (4,4 millions d’électeurs au second tour) qui a couronné François Fillon, c’est au tour de la gauche française d’élire son candidat (les 22 et 29 janvier 2017) pour la présidentielle. Et un changement est à noter par rapport au précédent scrutin, la santé est au centre des débats. Assurance maladie, hôpital... les Français voulaient en entendre parler, ils sont servis.

Mais à quelques jours du premier débat télévisé (1), Pourquoidocteur souhaite élargir la liste des sujets médicaux à aborder (cannabis, environnement, etc). Notre série d'entretiens avec les sept candidats à la Primaire de la Belle Alliance populaire s'ouvre ce lundi avec Benoît Hamon.
Au coude-à-coude dans les sondages avec Arnaud Montebourg (ou Manuel Valls) pour la deuxième place, le député des Yvelines prétend avoir des propositions pour faire battre le coeur de la France.

 

La collectivité ne pourra plus prendre en charge le coût des médicaments innovants. Doit-on consacrer un budget spécifique à la prise en charge de ces thérapies, et comment le financer ?
Benoît Hamon
 : Ces médicaments innovants sont une formidable chance pour les malades et leurs familles. Ils promettent de soigner des pathologies autrefois incurables. Je refuse cependant le présupposé qui voudrait que la France soit obligée d’accepter les prix scandaleux demandés par certains industriels : 41 000 euros alors que le coût de production est estimé à une centaine d’euros, c’est inacceptable. Obtenir des baisses de prix est impératif. Pour cela, je souhaite une plus grande transparence des négociations Il faut aussi renforcer les moyens des agences qui évaluent l’efficacité des médicaments. Si jamais certains laboratoires refusent d’entendre raison, je n’exclus pas de recourir à la licence d’office qui nous permet de faire produire certains médicaments en générique, beaucoup moins cher. 

 

Gros et petit risque  
Au lieu de faire porter la charge sur les malades, luttons d'abord contre la fraude aux cotisations et prestations.


Pour assurer la prise en charge des dépenses de santé, faut-il limiter les remboursements obligatoires aux maladies lourdes et/ou chroniques (panier de soins), ou plutôt agir sur le financement en élargissant l’assiette des prélèvements (par exemple avec la CSG) ?
Benoît Hamon : 
Réserver le « gros risque » pour la Sécurité sociale et le « petit risque » pour les assureurs privés est un non-sens. Personne ne sait d’ailleurs dire ce qu’est un « petit risque ». Une carie dentaire peut devenir un « gros risque » si elle n’est pas traitée à temps. Il n’y a pas de formule magique pour faire baisser nos dépenses de santé. Elles augmentent de 2% chaque année du fait du vieillissement mais aussi des innovations et des progrès réalisés. Au lieu de faire porter la charge sur les malades, luttons d’abord contre la fraude aux cotisations et prestations, réduisons le coût des traitements inutiles, des hospitalisations injustifiées, des « coûts de non qualité », et surtout engageons vraiment une sérieuse politique de prévention pour améliorer l’état de santé de la population.

L’hôpital doit à la fois concilier l’excellence médicale avec ses missions sociales. Compte tenu des contraintes budgétaires, la tarification à l’activité (T2A) vous paraît-elle adaptée à cette double exigence ?
Benoît Hamon : Indiscutablement non. Les effets pervers de ce mode de financement sont connus.  En fixant des tarifs identiques sur le territoire et en ignorant les coûts de production réels, la T2A survalorise et sous-valorise certaines disciplines. Avec la T2A, le patient suit l’argent et non l’inverse. Elle transforme l’hôpital en « machine à produire » des actes et soumet les personnels à un management délétère. Elle organise une concurrence au sein de chaque établissement et entre établissements au lieu d’inciter à la coopération entre équipes. Il nous faudra rouvrir le dossier des tarifs en santé, selon les règles de l’art, en travaillant sur des données longues, en comparant avec d’autres pays, en simulant, et surtout en ayant une approche plus intelligente et bienveillante de l’hôpital.

 

Déserts médicaux
Si un médecin décide de s'installer en zone sur-dotée, il ne doit plus être conventionné par l'Assurance maladie. 


Un généraliste sur quatre ne sera pas remplacé d’ici 2025. Comment comptez-vous lutter contre les déserts médicaux ?
Benoît Hamon : A la campagne, dans des quartiers urbains, le médecin se fait rare. Lorsqu’il part en retraite, il n’est pas toujours remplacé. C’est un problème de santé publique si une partie de la population n’a plus accès aux soins de premier recours. Pour y remédier, je propose la création d’une Mission nationale d’accès aux soins pour informer, coordonner et faciliter l'installation des médecins dans les zones en demande. En complément des incitations, il faut éviter de concentrer les médecins dans les zones où ils sont très présents. A l’instar de ce qui se fait déjà pour les kinés, pharmaciens, dentistes, je propose que si un médecin décide de s’installer en zone sur-dotée, il ne soit plus conventionné avec l’Assurance maladie, sauf à ce qu’un confrère quitte le territoire (retraite, départ).

 

Cannabis
Je me suis engagé à légaliser le cannabis car je préfère tuer le trafic plutôt qu'il tue nos jeunes.


La France est la championne d’Europe de la consommation de cannabis. C’est aussi le pays qui a la loi la plus prohibitive. Faut-il dépénaliser l’usage et l’Etat doit-il organiser la production et la distribution de cannabis ?
Benoît Hamon
: La France a choisi la prohibition. Cela ne marche pas. Nous consommons beaucoup trop de cannabis, notamment chez les jeunes. Les messages de prévention sont clairement insuffisants. Je me suis engagé à légaliser le cannabis car je préfère tuer le trafic plutôt qu’il tue nos jeunes. De plus, cela permettra de mieux contrôler la toxicité du cannabis mis sur le marché. Et l’argent qui ne sera plus dépensé dans la répression sera consacré entièrement à la prévention. Je ne néglige pas la toxicité du cannabis. C’est un produit nocif d’autant plus lorsqu’il est fumé avec du tabac. C’est donc bien une lutte globale contre les addictions qu’il faut mener, en particulier contre l’alcoolisme et le tabagisme, en investissant sur l’éducation à la santé et la prévention.

Dans un manifeste, des médecins français ont reconnu avoir aidé des couples lesbiens et des femmes seules à recourir à la PMA à l’étranger. Peut-on continuer à la réserver aux couples hétérosexuels ?
Benoît Hamon : Comme sur bien des sujets, il nous faut éviter l’hypocrisie, cela ne fait jamais avancer le débat. Les femmes françaises seules ou en couple avec une autre femme vont à l’étranger se faire aider pour avoir un enfant. C’est une réalité parce que la législation française leur interdit l’accès à cette méthode d’aide à la procréation. Je crois avoir été constant sur cette question. Je suis favorable à la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes. J’en profite pour rappeler mon opposition à la gestation pour autrui (GPA) qui se pratique dans certains pays car je considère cela comme une véritable marchandisation des utérus.

 

Environnement 
L'urgence est d'organiser la fin du diesel, à l'horizon 2025.


Quelle serait la première mesure concrète que vous adopteriez pour limiter les effets néfastes de la pollution dans notre vie quotidienne ? Et à quelle échéance ?

Benoît Hamon : Nous vivons entourés de polluants très divers. Ces substances nuisent gravement à notre santé. L’air pollué est la cause de 48 000 décès prématurés chaque année. L’urgence est d’organiser la fin du diesel, à horizon 2025, pour faire place aux véhicules électriques. Les pesticides sont soupçonnés de provoquer des cancers. Les agriculteurs en sont les premières victimes. Le retrait des plus dangereux s’impose et il nous faut accélérer la transition vers l’agriculture biologique. Le raisonnement vaut pour les perturbateurs endocriniens très présents dans notre vie quotidienne (cosmétiques, contenants alimentaires, …) Une politique drastique de protection visant en priorité la femme enceinte et l’enfant est nécessaire. C’est le rôle du politique que de protéger la santé des plus Français.

(1) Jeudi 12 janvier : premier débat des Primaires citoyennes. Les 7 candidats, Jean-Luc Bennahmias, François de Rugy, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Sylvia Pinel et Manuel Valls débattront à 21h sur TF1, RTL et L'Obs.

Mardi 10 janvier, retrouvez notre entretien avec Jean-Luc Bennahmias