« Depuis plus de deux ans, le prix exorbitant des nouveaux traitements contre l’hépatite C exigé par les laboratoires a conduit le gouvernement à rationner l’accès aux soins, en violation directe de nos principes constitutionnels d’accès à la santé, retardant ainsi toute politique de santé publique pour mettre fin à l’épidémie d’hépatite C en France ».
Dans un communiqué commun, Médecins du Monde, SOS Hépatites et le Comede fulminent : en 2017, en France, l’accès universel au traitement contre l’Hépatite C n’est pas effectif. Parmi les 400 000 patients atteints de la maladie, certains ne peuvent toujours pas être traités, dénoncent les associations.
La faute aux prix de ces traitements - 28 700 euros pour 12 semaines de Zepatier (MSD), 46 000 euros pour les médicaments commercialisés par Gilead. Sur le terrain, les hépatologues constatent, impuissants, cette problématique. Victor de Lédinghen, chef du Service d’Hépato-Gastroentérologie au CHU Bordeaux, raconte comment des patients demeurent privés de traitement.
Y a-t-il des patients atteints d’hépatite C qui ne peuvent pas avoir de traitement ?
Victor de Lédinghen : Absolument. Le Zepatier n’est efficace que chez les patients qui ont un génotype 1B ou 4. Par ailleurs, on peut déjà traiter les patients qui ont un génotype 3. Il reste tous ceux qui ont un génotype 1A, 2, 5 ou 6.
Actuellement, les traitements existent mais sont réservés aux patients qui ont développé une fibrose ; les autres en restent exclus, alors que les dernières recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé) préconisent de traiter tous les patients, y compris ceux qui n’ont pas de fibrose. A l’heure actuelle, pour ces derniers, les traitements restent contre-indiqués alors qu’ils guérissent de l’hépatite C. Cela signifie que certains patients n’ont pas le droit à la guérison.
Le ministère de la Santé a pourtant annoncé l’accès universel au traitement…
Victor de Lédinghen : Oui, c’est une promesse que Marisol Touraine a faite en mai 2016. Elle avait juré qu’avant la fin de l’année, des arrêtés ministériels seraient publiés au Journal Officiel, permettant de lever les contre-indications, et d’offrir un accès universel aux traitements contre l’hépatite C. Nous attendons toujours la publication de ces textes.
La ministre a réussi à obtenir une baisse du prix du Zepatier ; un arrêté publié au JO le 4 janvier précise le cadre de l’accès à ce traitement. Toutefois, cela ne permet pas de garantir, dans les faits, un accès universel, pour tous les patients atteints d’hépatite C.
Connaissez-vous les raisons de ce blocage ?
Victor de Lédinghen : Oui, les prix des traitements commercialisés par Gilead sont toujours en négociation avec le CEPS (Comité Economique des Produits de Santé) et on nous dit d’attendre que ces discussions soient achevées. En attendant, les patients qui ne sont pas éligibles aux traitements ne peuvent pas en bénéficier. Cela représente un petit nombre parmi l’ensemble des patients atteints d’hépatite C, mais c’est déjà trop.
Par ailleurs, en période d’élection présidentielle, nous craignons fortement que la question soit mise entre parenthèse ; le prochain gouvernement pourrait ne pas avoir la volonté de garantir cet accès universel. C’est pourquoi il est nécessaire que les arrêtés ministériels soient publiés au JO avant la fin du mandat présidentiel.