La France compte 4 millions de personnes diabétiques dont certaines sont encore victimes de discrimination en milieu professionnel. En effet, aujourd’hui encore, être atteint de diabète limite ou interdit l’accès à certaines professions et peut ralentir l’évolution des carrières. En cause, une méconnaissance de la maladie par les employeurs, mais aussi et surtout une législation datant de plusieurs décennies. Pour la Fédération Française des Diabétiques et l’Aide aux Jeunes Diabétiques (AJD), celle-ci serait « totalement déconnectée des progrès thérapeutiques et des conditions actuelles de travail ».
Ces militants dressent même la liste des professions interdites aux diabétiques : marin, policier, pilote, hôtesse de l’air, contrôleur de la SNCF ou de la sécurité sociale, pompier, ingénieur des Mines. Pour ce dernier exemple, on apprend ainsi que l’Ecole des Mines est interdite aux diabétiques parce qu’autrefois ces ingénieurs descendaient dans les mines et devaient donc avoir une très bonne vision pour travailler dans un environnement aussi sombre. Cela n’est plus le cas depuis bien longtemps, mais le texte n’a pas évolué...
L'avocate de la Fédération, Me Sylvie Papasian, cite aussi le cas de ce jeune, sauveteur en mer bénévole, à qui on interdit de suivre une formation de marin, alors que ce diplôme lui est indispensable pour ensuite mener à bien son projet d’ouvrir un magasin d’accastillage. « Il ne devrait plus y avoir de professions interdites a priori, martèle Gérard Raymond, président de la FFD. Bien sûr, certaines seront plus difficilement accessibles, mais chaque histoire et chaque diabète sont particuliers, on ne peut pas généraliser », ajoute-t-il.
Contacté par Pourquoidocteur, le Pr Fabrice Bonnet, chef du Service de Nutrition au CHU de Rennes, plaide aussi pour l'application du cas par cas.
Policier, pilote... ces discriminations vous semblent-elles justifiées ?
Pr Fabrice Bonnet : Il y a des postes pour lesquels il y a une possible mise en danger de soi-même ou d'autrui lorsqu'on est diabétique. Chez ces patients, il y a toujours un risque potentiel d'hypoglycémie, de malaise, qui peut donner des troubles du comportement, des absences. C'est exactement la même problématique qu'avec les épileptiques.
Certaines interdictions d'exercer un métier sont justifiées à leur égard. Imaginez un policier qui a un malaise avec une arme. Autre exemple évocateur, celui du conducteur de grue ou d'un car scolaire. S'il arrive un accident à ces travailleurs, les gens se demanderont quel médecin a bien pu donner l'agrément à ces malades. Dans l'hypothèse où ils sont directement affectés par un éventuel drame, ils seront les premiers à dénoncer ces agréments de médecins.
L'évolution des traitements n'a-t-elle pas changé la donne ?
Pr Fabrice Bonnet : Pas totalement. Si le patient est sous insuline, le risque d'hypoglycémie existe toujours. Normalement il y a des signes annonciateurs mais, avec le temps, ces derniers arrivent plus tardivement. De plus, certains patients les ressentent moins et plus tardivement.
Avec le poids des habitudes, les malades ont donc tendance à ne plus adapter leurs comportements en conséquence. Je qualifierai le risque de modéré mais il n'est pas nul. Par contre, les futurs traitements sont prometteurs quant à la détection des hypoglycémies. L'espoir réside peut être là-dedans. On va vers une amélioration dans ce domaine.
Que faut-il faire alors pour lutter contre les discriminations ?
Pr Fabrice Bonnet : On peut regretter la discrimination et espérer des aménagements au cas par cas. Par exemple, pour les ingénieurs des mines, l'interdiction d'antan n'est plus acceptable. Pour la gendarmerie ou la police, on peut penser à des postes plus souples, plus adaptés aux diabétiques. On ne pensera par exemple pas à eux pour intégrer le GIGN. Cette problématique est, vous l'avez compris, plus complexe que ce que l'on pense. En tant que médecin, je ne peux malheureusement pas me permettre de n'agir que dans l'émotionnel.