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Suivi sur 10 ans

Prison : un décès sur deux est un suicide

Par la rédaction

La moitié des décès recensés entre 2000 et 2010 dans les prisons françaises étaient des suicides, selon une étude de Santé Publique France.

ANSOTTE/ISOPIX/SIPA

« Les détenus constituent une population particulièrement vulnérable : ils sont en moins bonne santé que la population générale, et ce, dès leur entrée en détention ». C’est par ces mots que l’agence Santé Publique France introduit l’étude qu’elle a menée en milieu carcéral en collaboration avec l’administration pénitentiaire en France.

« L’état de santé dégradé des personnes détenues constitue un enjeu de santé publique à part entière », poursuit l’agence, qui souligne que la population carcérale apparaît, dans une forte proportion, « comme une population socialement défavorisée, qui cumule les facteurs de risque liés à la précarité. Elle est également exposée à des risques liés à l’enfermement et à la privation de liberté susceptibles d’être aggravés par les conditions de détention ».

Femmes : 20 fois plus de suicides

D’où des études spécifiques à l’état de santé de cette population et aux risques sanitaires auxquels elle est exposée. L’étude (1)  montre ainsi que, sur 10 ans, la moitié des 2 541 décès chez les détenus étaient des suicides.

Ce taux est nettement plus élevé que dans l’ensemble de la population française (7 fois plus pour les hommes et 20 fois pour les femmes). En revanche, la mortalité par « causes naturelles », à l’exception du sida, était moins importante chez les personnes écrouées que dans l’ensemble de la population française.

Cette étude originale issue du croisement des certificats de décès et des informations transmises par l’administration pénitentiaire, constitue « un pas vers un système de surveillance épidémiologique des suicides en détention », précise l’agence.

Pathologies associées

En effet, les données des décès sous écrou transmises par l’administration pénitentiaire ont été appariées à celles des certificats de décès de la base nationale de mortalité du CépiDc-Inserm afin d’étudier les pathologies associées aux suicides et autres décès survenus en milieu carcéral. Une méthode inédite, alors que les déclarations de suicides semblent sous-estimées dans les certificats de décès.

Dans plus de la moitié des certificats de décès des personnes décédées par suicide sous écrou, aucune pathologie somatique ni psychiatrique n’a été mentionnée, les pathologies psychiatriques, mentionnées dans seulement 15,5 % des cas, étaient vraisemblablement sous-déclarées.

La mise en place d’une surveillance épidémiologique des suicides en détention nécessiterait un retour aux dossiers médicaux ou une interrogation des unités sanitaires en charge de la personne détenue décédée, ainsi qu’une amélioration de transmission des informations par les instituts médico-légaux vers le CépiDc-Inserm.

« L’amélioration des remontées d’information médicale, et en particulier celles relatives aux éventuelles pathologies (psychiatriques ou somatiques) associées au suicide, permettrait d’analyser les facteurs environnementaux liés à la détention et les facteurs liés à la morbidité des personnes écrouées », conclut l’agence.

(1) Suicides et autres décès en milieu carcéral en France entre 2000 et 2010. Apport des certificats de décès dans la connaissance et le suivi de la mortalité.

Leptospirose : mesures renforcées

Récemment, la Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté a émis un rapport apocalyptique sur l’état de la prison de Fresnes, où la présence de rats (morts et vivants) fait craindre un risque épidémique. Les rats sont en effet vecteur de la leptospirose, une maladie potentiellement mortelle. Deux détenus ont été infectés cette année.

A la suite de ce signalement, Santé Publique France a commandé en février 2016 une étude intitulée « Investigation de cas groupés de leptospirose parmi les détenus d’un centre pénitentiaire d'Île-de-France », qu’elle publie ce mardi.
« À l’issue de cette investigation (…), aucun autre cas n’a été mis en évidence et des actions préventives ont pu être mises en place, au bénéfice des personnes détenues comme du personnel pénitentiaire : renforcement des mesures de lutte contre la colonisation des rats (réservoirs de la bactérie responsable de cette maladie), moyens de protection individuelle et rattrapage vaccinal pour les personnes occupant une activité à risque ».