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Entretien avec Mélanie Doerflinger

Tampons : les fabricants ne jouent pas la transparence

Par Audrey Vaugrente

ENTRETIEN - Depuis deux ans, Mélanie Doerflinger milite pour la transparence auprès des fabricants de tampon. Les avancées restent timides.

Olvius/epictura

Cachez ce sang que je ne saurai voir. Les règles sont encore un sujet sensible en France. Mais le tabou se lève progressivement. Pour preuve : la sortie du livre Ceci est mon sang, écrit par Elise Thiébaut (1). La journaliste féministe organise ce 12 janvier une séance de dédicace. L’actualité est dense dans le secteur des menstruations puisque le fabricant Tampax organise, le même jour, une table ronde.

Moins exposée médiatiquement, une étudiante milite pour plus de transparence sur les produits d’hygiène féminine. Lentement, mais sûrement, Mélanie Doerflinger est parvenue à faire bouger les lignes. Rencontre avec cette étudiante de 21 ans.

Qu’a permis votre pétition en deux ans ?

Mélanie Doerflinger : Le gouvernement a lancé des enquêtes au cours de l’été 2016. J’attendais des informations de sa part, mais je n’ai plus de nouvelles depuis quelques mois. C’est pourquoi j’ai lancé une lettre ouverte sur Change.org qui les interpelle. Il faut demander des explications.

Depuis avril 2016, Tampax inclut quelques indications sur les composants des tampons dans la notice. Mais la pétition demande qu’elles soient affichées sur les emballages. Ce n’est fait nulle part et les autres marques n’ont pas bougé. Il y a encore du boulot, mais la pétition a bouleversé les idées reçues.

Pensez-vous justement qu’elle a fait évoluer les mentalités ?

Mélanie Doerflinger : Au niveau de la société, la situation a changé. Au début, cela été dur. Certains affirmaient que cela revenait à parler de papier toilette. A présent, les gens ont compris qu’il n’ y avait pas de honte à parler des règles. Les produits d’hygiène féminine sont importants pour les femmes. ce n’est plus un sujet tabou, et la pétition est maintenant prise au sérieux. 

Mais je me suis rendue compte que, finalement, il n’y a aucune curiosité scientifique sur ces produits. Il y a une opacité sur le sujet : il n’existe pas de recherche sur les conséquences des tampons et serviettes sur l’intimité et le corps des femmes.

Tampax organise une table ronde. Qu’en pensez-vous ?

Mélanie Doerflinger : Sa thématique porte sur les bons usages du tampon. Je pense que c’est une communication d’entreprise, pas une table ronde destinée à faire avancer la recherche. Les seuls représentants scientifiques sont un toxicologue et un gynécologue. Elle est peut-être motivée par les recherches du Pr Gérard Lina, qui s’intéresse au syndrome du choc toxique. Je pense que Tampax essaie de se protéger.

Quel accueil réservez-vous au livre Ceci est mon sang d’Elise Thiébaut ?

Mélanie Doerflinger : J’ai commencé à le lire, c’est un bel ouvrage. L’auteur a lié son expérience de femme et ce qu’on sait au niveau scientifique et historique sur les règles. Le mélange est brillant et permet de relancer différents sujets. Il n’y a pas que les produits d’hygiène féminine, des pathologies liées aux règles existent et on n’en parle pas assez. Cela devrait permettra peut-être de libérer la parole.

Quelles sont vos attentes pour l’année à venir ?

Mélanie Doerflinger : Elles sont nombreuses. L’absence de réglementation est problématique. Au moment des débats sur la taxe tampon, on a constaté que les femmes paient toujours plus cher les produits d'hygiène intime. Il faut produire une réglementation qui les reconnaisse comme des produits de première nécessité. Cela réduirait les prix.

Les femmes considèrent aussi ces protections comme des produits de santé, beaucoup les achètent en pharmacie. Mais juridiquement, ces produits ne sont pas en adéquation avec la considération qu’on leur porte. Il faut que cela change. Une surveillance est aussi nécessaire : la DGCCRF m’a expliqué que les contrôles n’étaient pas faits. Il faut vérifier, connaître les conditions de fabrication, les normes d’hygiènes. Avec cette base juridique, la suite va venir naturellement.

 

(1) Ceci est mon sang (Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font), écrit par Elise Thiébaut (Editions de la Découverte)