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Maladies inflammatoires chroniques

MICI : un handicap difficile à supporter au travail

Par Julian Prial

Dans une enquête, la fatigue est reconnue comme étant le symptôme le plus gênant pour 41 % des personnes actives atteintes de maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

photographee.eu/epictura

En France, 250 000 personnes sont atteintes par des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI). Plus de 20 cas par jour sont ainsi diagnostiqués dans l'Hexagone. Les cas les plus fréquents sont soit des maladies de Crohn, soit des rectocolites hémorragiques.
Deux pathologies qui ont un point commun : les patients sont souvent frappés au début de leur carrière professionnelle. Avec un pic d'apparition de la maladie qui se situe entre 20 et 30 ans. Et selon une enquête menée sur des malades français (1), travailler avec une MICI reste un parcours du combattant.

76 % des personnes actives se déclarent satisfaites de leur situation professionnelle. Les chiffres démontrent la forte aspiration des patients MICI à une stabilité professionnelle quitte à accepter un niveau de poste inférieur ou ayant un moindre intérêt. 

Mais cette satisfaction cache une réalité complexe et souvent difficile : 81 % des répondants actifs évoquent un impact de la maladie sur leur vie professionnelle. Pour certains, cela a eu une influence sur le choix initial de leur carrière (39 % des répondants), leur parcours professionnel (la maladie a constitué un frein à l’évolution professionnel pour 45 % des répondants) ou encore leur poste directement.

Une maladie mal prise en compte 

En chiffres, 50 % des interrogés avouent ainsi vivre mal leur maladie dans leur environnement de travail. 43 % indiquent que celle-ci les a empêché de réaliser certaines missions imposées par le poste. Ils ne cachent pas non plus leur inquiétude pour retrouver un emploi équivalent s’ils devaient perdre le leur (72 %). Autre ombre au tableau, les malades actifs ont le sentiment que leurs conditions de santé et leur sécurité sur leur lieu de travail sont mal prises en compte. 94 % de l’échantillon sont concernés par la fatigue et 89 % par la diarrhée au moment des crises. 

La fatigue est reconnue comme étant le symptôme le plus gênant dans la vie professionnelle par 41 %des personnes actives, avec un impact sur la qualité de vie au travail la survenue d’erreurs ou la rapidité d’exécution. Pour la diarrhée, le besoin est souvent impérieux et non contrôlable. Les témoignages sont donc éloquents : « Quand j’ai besoin d’aller aux toilettes, c’est tout de suite. Du coup, j’ai la hantise d’un accident. J’ai choisi mon emplacement de travail en fonction de celui des toilettes pour que mes collègues le remarquent le moins possible, j’y vais 15 fois par jour ». Les transports en commun sont aussi particulièrement redoutés.

 

Être ou ne pas être MICI

Autre problème liée à la maladie, la difficulté d'en parler. Si 89 % en ont parlé à leur entourage professionnel, ils ne sont que 39 % à en avoir parlé librement à tout leur entourage professionnel. La plupart des malades mettent donc une stratégie en place, en ciblant les personnes avec lesquelles ils partagent cette information.
Si 74 % ont informé leur supérieur hiérarchique direct, ils ne le font globalement que par obligation, après un arrêt de travail, par besoin d’un aménagement de poste ou devant l’impossibilité de réaliser une mission. En revanche, en parler à ses collègues surtout directs est plus facile (85 % des patients l’ont fait). On peut noter que, suite à cette révélation, 18 % des réactions ont été négatives du côté de la hiérarchie, et 21% du côté des collègues.

Enfin, la phase qualitative de l’enquête menée auprès des directeurs des ressources humaines, des chefs d’entreprise et de la médecine du travail est riche d’enseignements. Elle montre un véritable manque de connaissances de la spécificité de ces maladies digestives et de la souffrance des malades au travail. Certains médecins font preuve d’une certaine empathie mais tendent à penser que les demandes des salariés sont abusives et qu’ils essaient parfois de les manipuler.
L’une des explications réside dans la difficulté pour la médecine à qualifier le degré de fatigue qui est un symptôme invisible. « Il apparaît clairement à la lecture de cette enquête que cet impact a été largement sous-estimé », conclut le Pr Laurent Peyrin-Biroulet, gastro-entérologue au CHU de Nancy, interrogé par l’Association François Aupetit .


(1) L’Association François Aupetit en partenariat avec le laboratoire Takeda, a mis en place une enquête nationale, afin de réaliser un état des lieux concernant l’insertion au travail des personnes atteintes de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de Crohn ou rectolite hémorragique). Cette étude a été réalisée par l’Ifop Healthcare, via l’Observatoire des MICI mis en place par l’AFA, entre le 8 mars et le 6 avril 2016, auprès de 1 410 personnes.