Les « bonbons qui t'arrachent la tête ! ». Si le slogan ne vous dit rien c'est que vous avez passé l'âge des cours de récréation, ou pas encore atteint celui d'être parents. Les bonbons Têtes Brûlées, caractérisés par leurs goûts particulièrement acides, font partie des produits phares du confiseur Verquin. La société a rappelé, ce vendredi, qu'elle avait retiré de ses bonbons l'additif E171.
L'annonce intervient quelques heures seulement après la publication d'une étude de l'INRA, qui démontre la toxicité de cet additif, sur un modèle animal. Contacté par Pourquoidocteur, Verquin confiseur précise que cette modification de composition est effective depuis décembre 2016. Toutes les produits ont donc été reformulés, « par principe de précaution », souligne le fabricant.
Alerte en octobre
Mais à Halloween, l’association Agir pour l’environnement avait alerté le grand public sur cette substance, le dioxyde de titane. Couramment utilisée en agroalimentaire pour ses propriétés de colorant blanc et opacifiante, les tests de l’association l’avaient mis en évidence dans des biscuits, confiseries, chewing-gum ou encore des plats préparés.
Le Centre international de rechercher sur le cancer (CIRC) avait d’ailleurs classé la substance cancérogène possible pour l’homme après avoir étudié l’impact d’une exposition, mais par inhalation, et notamment dans le cadre professionnel.
En revanche, l’Europe ne semble pas préoccupée par le E171. En septembre dernier, l’Agence européenne de sécurité alimentaire a conclu que « les données toxicologiques disponibles sur le dioxyde de titane n’ont pas révélé d'effets indésirables par ingestion orale » et qu’elle « ne constituait pas un problème de santé pour les consommateurs ». Elle estimait également que « le dioxyde de titane de qualité alimentaire n'est pas considéré comme un nanomatériau », souligne Verquin Confiseur dans un communiqué.
Inflammation et lésions précancéreuses
Pourtant, les consommateurs sont bien préoccupés par ce produit, d’autant que les enfants semblent particulièrement exposés en raison de leur forte consommation de confiseries. L’Inra a donc choisi de se pencher sur l’effet d’une exposition orale au E171 chez le rat. Les chercheurs ont exposé ces animaux à une dose de 10 mg par kilogramme de poids corporel et par jour, soit une dose proche de celle ingérée par les humains, selon les scientifiques. Les résultats « montrent pour la première fois in vivo que le dioxyde de titane est absorbé par l’intestin et passe dans la circulation sanguine », décrit l’Inra, précisant que des particules ont été détectées dans le foie des cobayes.
En outre, les chercheurs ont noté la présence du E171 dans les cellules de l’intestin grêle et du côlon, ainsi que dans des cellules situées dans une région inductrice de réponse immunitaire dans l’intestin. Résultat : un déséquilibre immunitaire se met en place et suscite une micro-inflammation dans la muqueuse du côlon. De même, dans la rate – un organe clé dans le système immunitaire -, l’exposition à cet additif alimentaire favorise la production de molécules pro-inflammatoires.
L’ingestion régulière de cette substance semble tout aussi néfaste. Pendant 100 jours, des rats ont été exposés à cette molécule via leur eau de boisson. Dans un groupe préalablement traité par un cancérogène, l’exposition au dioxyde de titane a augmenté la taille des lésions prénéoplasiques dans le côlon, un stade non malin du développement du cancer.
Dans un groupe de rats sains, des lésions précancéreuses sont apparues spontanément chez 4 cobayes sur 11, tandis que les animaux non exposés n’ont présentés aucune trace de cancer. « Ces résultats indiquent un effet initiateur et aussi promoteur du E171 sur les stades précoces de la cancérogènes colorectale chez l’animal », relèvent ainsi les auteurs.
L'ANSES saisie par 3 ministères
Si « à ce stade, les résultats de l’étude ne permettent pas d’extrapoler ces conclusions à l’homme », insistent l’Inra et le ministère de la Santé, les chercheurs de l’unité de recherche Toxalim indiquent que ces premiers résultats justifient des études supplémentaires pour étudier ses effets sur le système immunitaires et son pouvoir cancérogène. « Ils fournissent aussi de nouvelles données pour l’évaluation du risque de l’additif E171 pour l’Homme », ajoutent-ils.
Au regard de ces résultats, les ministères chargés de l’économie, de la santé et de l’agriculture ont décidé de saisir immédiatement l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin de déterminer si cette nanoparticule « présente un éventuel danger pour les consommateurs ».
Saisie de cette question, l’Anses devrait rendre ses résultats fin mars. Cette nouvelle étude s’inscrit dans le cadre des travaux de l'Agence déjà engagés sur l’impact potentiel sur la santé des nanomatériaux présents dans l’alimentation de manière plus générale, à la demande du gouvernement en octobre dernier.