La dénutrition recule en Amérique latine et dans les Caraïbes. 5 % de la population du continent est sous-alimentée. Cette évolution ne doit pas masquer la tendance inquiétante qui s’amorce dans le même temps. Surpoids et obésité progressent. Ils atteignent un niveau inquiétant, soulignent l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation panaméricaine de la Santé (PAHO) dans un rapport commun.
L'exception haïtienne
Le continent sud-américain pèse de plus en plus lourd. 360 millions de ses habitants sont en surpoids, c’est-à-dire que leur IMC dépasse 25 kg/m2. Cela représente près de 60 % de la population. Trois pays se distinguent par la part extrêmement élevée de la surcharge pondérale : les Bahamas (69 %), le Mexique (64 %) et le Chili (63 %). A l’inverse, trois Etats représentent l’exception avec moins de la moitié des citoyens en excès de poids. Il s’agit d’Haïti (38,5 %), du Paraguay (48,5 %) et du Nicaragua (49 %).
Les enfants ne sont pas épargnés puisque 4 millions d’entre eux présentent un surpoids avant l’âge de 5 ans – soit 7 % de la population de cet âge. Un véritable boom se produit au sein de la Mésoamérique. Cette aire culturelle s’étend du nord du Mexique au Costa Rica. Dans les Caraïbes, la part d’enfants joufflus a presque doublé depuis les années 1990.
L’obésité, qui se définit par un IMC supérieur à 30, progresse elle aussi à un rythme soutenu. 23 % de la population sud-américaine est concernée. Le risque est d’autant plus élevé pour les femmes. Les pays les plus durement touchés sont la Barbade, Trinité-et-Tobago et Antigua-et-Barbuda, où les taux frôlent ceux des Etats-Unis. En effet, plus de deux tiers de la population nord-américaine sont obèses.
Sécuriser l'accès aux aliments
Paradoxalement, le développement économique du continent sud-américain est responsable de ce phénomène d’enrobement de la population. La majorité de la population adopte le mode de vie occidental, avec ses conséquences bien connues. Urbanisation, augmentation du revenu moyen, intégration au marché international ont favorisé le recours aux aliments industrialisés à outrance et aux boissons sucrées. Les recettes traditionnelles, elles, perdent du terrain. Il n’est donc pas surprenant que, à l’image des Etats-Unis et de l’Europe de l’Ouest, la population accumule les kilos superflus.
Une fois le constat posé, des solutions doivent être esquissées. « Les taux alarmants de surpoids et d’obésité en Amérique latine et dans les Caraïbes doivent agir comme un coup de semonce pour les gouvernements de la région », estime Eve Crowley, représentante régionale de la FAO. Une stratégie en deux axes doit être mise en place, selon elle : mettre fin à la dénutrition et améliorer la qualité de l’alimentation.
Ce second volet passe par la mise en place d’un système pérenne. Des aliments frais, sains, nutritifs mais également issus du développement durable sont la clé d’une meilleure nutrition, selon Carissa Etienne, directrice de la PAHO. L’amélioration du panier alimentaire passera aussi « à travers la résolution des facteurs sociaux qui influencent la malnutrition », affirme-t-elle. A savoir l’accès à l’eau, aux sanitaires ou encore aux services de santé.
A ce titre, les initiatives de plusieurs pays doivent servir de modèle : la taxe sur les boissons sucrées – au Mexique, à la Barbade ou en Dominique – ou encore la régulation légale de la publicité et de l’étiquetage – en Bolivie, au Chili et en Equateur.